La Bible (VIIIème s. av. JC - IIème s., auteurs divers)

Publié le par GouxMathieu

   Il y a quelque chose qui se dit ci et là, comme quoi ce sont les "athées qui connaissent le mieux la Bible." Je ne sais pas si c'est vrai, mais je dois dire qu'elle fait partie, en mémoire peut-être d'une "bibliothèque idéale", de mes romans favoris.

 

 

   Il y a, pour reprendre une formule éprouvée, "un génie du christianisme". J'ai mis longtemps à le comprendre : mais cette religion n'aurait pas eu le succès qu'on lui connaît s'il n'y avait pas eu, dans ces lignes, dans ces images, quelque force sourde susceptible de capturer l'imagination.

   Je pense que cette lecture se devrait d'être un passage obligé pour quiconque. De la même façon qu'Hamlet, que les Essais ou qu'Alice au pays des merveilles, il faudrait lire et relire certains de ces grands livres, "La Genèse", "L'exode" ou "L'Apocalypse", les étudier avec attention et comprendre, surtout, l'influence qu'ils ont pu avoir sur toute notre grille de lecture contemporaine. J'ai coutume de penser, et je pense encore, que la Littérature n'a jamais parlé que de Littérature ; et de quelle autre Littérature pourrait-elle parler, sinon de ces récits fondateurs, L'Illiade, L'Énéide ou La Bible ?

   Il y a, du reste quelque chose de bien plus important encore : lire La Bible sans le filtre des histoires populaires, de l'exégèse, de l'interprétation, c'est se rendre compte des nombreux détails, variations, éléments qui ont été perdus au fur et à mesure du temps.

   Tout un chacun connaît l'histoire d'Adam et Ève ; mais qui sait encore que leur premier réflexe, après avoir mangé le fruit de la connaissance, fut de couvrir leur nudité alors qu'elle ne les dérangeait pas auparavant ? Et que dans le jardin d'Eden se trouve un deuxième arbre, celui de la Vie, à présent gardé par un ange à l'épée de feu ? Par incidence, toute cette histoire ne serait rien d'autre qu'une adaptation du mythe de Prométhée, celui qui, créant les Hommes, leur donna initialement l'heure de leur mort avant de ne leur laisser que le savoir de leur mortalité.

   Tout un chacun revoit en rêve cette rencontre entre Moïse et le buisson ardent ; qui sait encore que les mots de ce dernier, "je suis celui qui est" ou "je suis qui je suis", ou en latin quae sum qui sum nous renvoie à ces mots hébreux, "je suis" se disant "Yahvé"... ou encore "Jéhovah", d'où le nom que certains prêtent à l'Immortel.

   Ou encore, cette anagramme de Jésus devant Ponce-Pilate, dans la Vulgate : ce dernier lui demandait, Quid est veritas ? ("qu'est la vérité ?"), et lui de répondre Es vir qui adest ("c'est l'homme qui se tient devant toi").

   Etc., etc. Je pourrai encore poursuivre, je pense. Il y aurait évidemment beaucoup de choses à dire concernant ces personnes qui prennent les mots pour autre chose que de simples mots, mais je ne veux ici me concentrer que sur les images, que sur les mythes. Et ceux-ci sont tellement nombreux, si divers, et renvoient à tant de choses, qu'il est difficile de voir dans La Bible autre chose qu'un "livre somme" qui n'est pas loin de contenir tout ce que l'être humain a pu produire de chimères, d'espoirs, de doutes, de méchancetés et de gentillesses, d'amour et de haine. Elle est à la fois le point d'arrivée et le point de départ de toute une partie de notre histoire intellectuelle : elle n'aurait pu être écrite sans des siècles de mythologies, elle a été le point de départ de siècles de mythologies après elle.

   Que l'on y songe : tout aboutit, et tout revient à La Bible. Si seulement on ne la prenait pas aussi sérieusement, elle pourrait être le livre favori de tous : on y trouve des animaux parlants, des vierges effarouchées, des décapitations sanglantes, des danses lascives, de l'amour et de la peur.

   Comment pourras-tu un jour dépasser cela ?

 

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