Super Mario Bros. 3 (1988, Nintendo)

Publié le par GouxMathieu

   Super Mario Bros. 3 est, dans mon parcours de joueur, l'une de ces œuvres fondatrices qui enta définitivement mon amour pour la chose. J'y reviens souvent, toujours attentif : et j'en ressors toujours conquis.

 

 

   En tant que joueur européen, j'eus le jeu assez tard, finalement : il n'arriva chez moi qu'en 1991, bien après le reste du monde ; et même, je pense que le foyer ne l'acheta que vers 1993, quasiment au même moment que ma mère acheta une Super Nintendo. Cela ne fut pas un mal : il me fallait vieillir un peu, Super Mario Bros. premier du nom, m'était bien inaccessible en culottes courtes. Super Mario Bros. 3 était tout aussi cruel pour mes jeunes mains, mais j'allais un peu plus loin.

   Surtout, le jeu était profondément beau pour sa période, bien plus que l'épisode fondateur qui, à mes yeux, avait toujours accusé son âge. On peut en rire aujourd'hui, même, il le faudrait encore je crois ; mais sur NES, en Europe, rares étaient les jeux qui pouvaient prétendre à une telle élégance. Encore maintenant, il y a dans ce choix des formes, ces couleurs, ces musiques et ces mouvements, quelque chose qui m'émeut au-delà de la nostalgie.

   Le jeu, surtout, fut le premier à me donner une si belle impression de profondeur, une aussi grande impression d'espace. SMB3 ne fut pas le premier à inventer le principe des "cartes du monde", tout au plus a-t-il popularisé le principe : mais au regard des jeux du temps qui ne proposaient qu'une simple succession d'éléments sans nécessairement chercher à les hiérarchiser ou à les présenter autrement que par le confort de la linéarité, cela détonnait, et cela étonnait.

   Il y avait quelque chose d'aspirant dans ce jeu, et le film qui a accompagné son lancement aux États-Unis, The Wizard (Vidéokid : L'enfant génial en français), a grandement aidé au sentiment : je le louais chaque semaine ou presque au videoclub. Pensez, c'était la première fois que l'on voyait de "vrais" jeux vidéo au cinéma, et sans s'en moquer, encore !

   L'influence de SMB3 sur le monde du jeu vidéo, sur son identité, ses principes, ses ambitions, narratives, ludiques, graphiques, musicales... est connue et reconnue, et d'aucuns en font une sorte de Citizen Kane du média ; je ne suis pas loin de leur donner raison. Il y a quelque chose du nouveau départ, du neuf qui jaillit de l'ancien, de la force irrépressible qui tout emporte et tout régénère : il y a l'espoir, et il y a l'avenir.

   Super Mario Bros. 3 était l'avenir. Mieux : il est encore l'avenir, malgré ses trente ans, bientôt quarante, de vie numérique. Il y a une riante intemporalité dans son existence, une souplesse et une tendresse de la ligne qui demeure, même dans sa version originale aux couleurs délavées, même dans le cri métallique du processeur de la NES, même dans le clignotement souffreteux de ses sprites. Il y a mon enfance, et l'adolescence d'un média qui se connaît une nouvelle jeunesse : et toujours j'y reviens, affamé et heureux.

 

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