Fallout 2 (1998, Black Isle Studios)
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Il y a peu, je me suis demandé, après des années à en essayer, quel était mon jeu de rôle occidental favori. Après y avoir réfléchi un peu, je me suis arrêté sur Fallout 2, que je connais finalement depuis peu : c'est qu'il a su m'impressionner absolument.
J'avais parlé longuement de Fallout: New Vegas il y a plusieurs années de cela, et c'est peut-être le jeu de rôle "moderne", si l'on peut dire, que j'aime le plus, pour son écriture, son ambiance, son humour. Fallout 2 serait son pendant "retro", peut-être, mais il y ajoute un esprit particulier qui a sédimenté, ce me semble, l'identité de la saga dans le cœur de toutes et de tous.
L'histoire prend place dans ce même univers dévasté, mais quelques décennies après le premier épisode : nous jouons un descendant du "héros de l'abri", qui doit se mettre en quête d'un artefact mystique, le GECK ou "Jardin d'Eden en Kit", un dispositif technologique capable de faire reverdir l'univers en un claquement de doigt. Bien entendu, les choses ne seront pas aussi simples.
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Ce qui est extraordinaire dans ce Fallout, et ce que l'on ne reverra finalement que peu par la suite, ou du moins pas assez bien, c'est l'évolution générale de ce monde post-apocalyptique. Il y a certes encore des ruines et des restes de ce qui fut, jadis, notre civilisation humaine du vingtième siècle ; mais surtout, la reconstruction se poursuit et s'est poursuivi avec frénésie. De nombreuses villes sont "propres", s'entend, sans immeubles détruits ou murs crevés ; des routes, des serres, des centrales électriques commencent à naître ; des cités entières sont sûres et habitables.
Bien entendu, tout dépendra encore des volontés : à Reno, de loin la plus grande ville du coin, les mafieux se disputent le marché de la drogue, du jeu et de la prostitution, et les allées sont bien moins invitantes. On pourra d'ailleurs passer là des dizaines d'heures, à tout explorer et tout faire, des combats de boxe clandestins aux films pour adultes, démanteler ou prendre le contrôle d'un laboratoire de drogues, s'associer à telle ou telle famille ou, au contraire, tout raser pour tout diriger à son tour.
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La densité de cet univers donne le tournis et n'a pas encore été, je crois, reproduite dans cette série. Même New Vegas, qui aligne pourtant nombre d'idées et de protagonistes, n'offre point ce même sentiment, d'avoir un univers mouvant et vivant, réagissant à votre présence et à vos actions. Il est intrigant de voir à quel point une décision prise il y a plusieurs heures de cela à des conséquences directes sur vos possibilités présentes ; l'ordre dans lequel vous voyagez et visitez telle ou telle place forte influence, en retour, ce que vous pourrez faire. À terme, et comme toujours, cette écriture se linéarise et lors des parties successives, on saura quoi faire pour être efficace : mais de prime abord, la chose est monstrueusement maligne et intrigante.
Fallout 2 est un univers fascinant, rempli de détails nombreux et de personnages truculents, d'un humour acide et noir qui ne sombre jamais dans la méchanceté, de possibilités quasiment infinies quant à la conduite du personnage, ses compétences, sa force et son intelligence. J'ai dû faire une vingtaine de parties, expérimentant tout ce que je pouvais, et toujours je découvrais quelque chose de neuf : encore maintenant, je ne suis pas sûr d'avoir tout vu et tout entendu.
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Il y a, peut-être, deux grands défauts à qui voudrait se lancer aujourd'hui dans l'aventure. D'une part, son austérité et son silence : ses commandes sont confuses, sa séquence "tutorielle" est mal ficelée, il faut absolument commencer avec un guide ou une vidéo explicative, pour être sûr de tout comprendre. Sans cela, on risque de ressortir désarçonné : c'est ce qui m'était arrivé les premières fois, et il m'a fallu assez d'efforts pour y revenir.
Ensuite, et surtout, cette multiplicité, ce foisonnement, impacte notamment notre rapport à l'univers, et aux personnages. Nos actions ont des conséquences, certes, mais nous pouvons faire tant de choses, voir tant de villes différentes, résoudre les conflits de tant de façons, que j'ai finalement davantage senti l'artificieux de l'œuvre, son "vidéoludisme", son bac à sable. C'est là où New Vegas, ce me semble, réussi mieux son pari : ce qu'il perd en densité, il gagne en vérité. Fallout 2 est une expérience unique, mais finalement déconnectée : quand la quête principale revient sur le devant de la scène, on a tant vu et tant fait, qu'on s'en moque un peu.
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Cela me dérange occasionnellement, mais je l'oublie finalement : car les micro-chapitres qu'on nous propose sont si beaux, les intrigues individuelles sont si intéressantes, et elles se concluent de façons si différentes, qu'on préfère encore picorer dans ce bol de mignardises que de suivre un repas complet, de l'entrée au dessert. La quête principale a quelques attraits, ne nous y trompons pas, et on peut surtout s'autoriser à la remplir sans passer strictement par toutes ses étapes ; mais l'important est ailleurs.
Je le redis : Fallout 2 est mon jeu de rôle occidental favori. Son écriture, sa qualité générale, son inventivité, transcendent tout le reste. Il est heureux, surtout, qu'il existe aujourd'hui nombre de patchs et de guides pour faciliter l'entrée dans le jeu original, qui souffrit d'un développement raccourci par endroits, et qui ne sait absolument pas se faire se aimer : il est vieux, mais il reste gaillard ; je reviens souvent le voir, et je l'aime de plus en plus.
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