All this and World War II (1976, artistes divers)

  J'avais déjà parlé ici de l'album des Beatles Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band. J'aurai pu en vérité faire un billet sur chacun des albums de ce groupe légendaire que je porte plus qu'aucun autre dans mon cœur. Ma lubie me pousse même à rechercher toutes les variantes, reprises, hommages qui leur ont été faits. J'en ai plusieurs, de qualité variable ; mais si je devais n'en retenir qu'un, ce serait la bande originale du documentaire All this and World War II. Le film en lui-même n'est pas des plus connus : il ne sera resté qu'une semaine à l'affiche dans les salles britanniques, et n'a jamais été édité en VHS ou en DVD, même si des copies pirates circulent sur la toile.

  N'ayant jamais vu le documentaire en question, je me dispenserai d'en donner le moindre avis. Tout ce que je puis savoir, c'est qu'il s'agit, ô, surprise, d'un film sur la deuxième guerre mondiale. Il consisterait, à ce que j'en ai lu, en une juxtaposition d'images d'archives, sans légendes ni voix off, uniquement bercées par la musique. C'est là que mon âme de fan intervient : car si l'ensemble de la bande originale est composée de titres des Beatles (piochant surtout à partir de l'album Rubber Soul, soit ce que l'on considère comme le tout début de la période "expérimentale" du groupe), il ne s'agit pas de morceaux originaux, mais bien de reprises. L'histoire veut que derrière ce choix ne se dissimule pas une quelconque histoire de droits d'auteur, mais l'envie de faire de l'argent en proposant par la suite à la vente un CD parfaitement original.

  Nous sommes alors en 1976, le groupe est dissous depuis six ans à présent. John, Paul, Ringo et Georges se lancent chacun dans une carrière "solo" avec plus ou moins de succès. Plutôt alors qu'une stratégie arriviste, comme on peut le voir de nos jours à la mort ou à l'arrêt d'une carrière, considérons plutôt qu'il s'agit là d'un hommage, de l'hommage fait à ce qui reste l'un des groupes les plus populaires, et les plus créatifs, du siècle dernier. Le choix des pistes est particulièrement révélateur : plutôt que de reprendre des ritournelles comme Love me Do ou Please Please Me, ce sont plutôt The Fool on the Hill, A Day in the Life ou encore Lovely Rita qui sont à l'honneur. On pourra bien sûr regretter l'absence de certains morceaux selon les affinités de chacun (où est With you without you ?), mais les pistes d'anthologie sont présentes, y compris les plus surprenantes comme I am the Walrus ou Because. C'est donc bien là une sélection éclairée, et non pas un Reader's Digest composé afin de se faire, et ce malgré les intentions officieuses des producteurs, de l'argent facile.

  La liste des artistes ayant prêté leur voix à ce projet donne le tournis. En vrac, et pour ne retenir que les plus célèbres peut-être pour nos modernes oreilles, Peter Gabriel (qui vient juste de quitter Genesis), The Bee Gees, Elton John ou encore Keith Moon (The Who). Le moins que l'on puisse dire, c'est que tous se sont véritablement engagés corps et biens dans ce projet. Leur amour de la musique se ressent dans le moindre vibrato, dans le moindre pincement de corde ; les morceaux deviennent par instant proche de l'expérimental, ce sont des réinterprétations et non des copies, des lectures intelligentes et non de la pompe. Et si je tends à considérer le récent album Love comme ce qui aurait pu être le "concert qui n'a jamais eu lieu" des Fab Four, All this and World War II apparaît comme la reconnaissance de toute une communauté envers ceux qui ont su à jamais changer la face du rock'n roll et de la pop music.

  Un album à découvrir, assurément.