Serious Monkey Business (2010, divers)

Publié le par GouxMathieu

http://pressthebuttons.typepad.com/.a/6a00d83452033569e20120a9416fb3970b-800wi  La musique reste de la musique. C'est quelque chose qui ressemble à un truisme, mais qu'il est bon de rappeler de temps à autres : je répète souvent qu'il n'y a pas de "sous-culture" ; cela ne veut pas dire que tout se vaut et qu'il n'y a donc pas d'œuvres meilleures que d'autres, mais simplement que tout peut s'écouter, s'analyser et se comparer sans regarder en amont la provenance ou la cible voulue par le travail en question, et l'on sait très bien qu'il ait des œuvres dites "populaires" qui valent, sinon dépassent, en force et en intelligence d'autres qui se veulent plus "élitistes".

 

  Parmi celles-ci, la musique de jeu vidéo est souvent dénigrée par chacun, comme étant de la "sous-musique". Il m'est souvent arrivé de faire écouter, sans en préciser d'abord la provenance, une piste que je trouvais particulièrement bien sentie. L'auditeur l'appréciait, et quand je lui révélais, à sa demande, sa provenance, le voilà se braquer et la dénigrer brutalement.

  Je suis résolument contre cette idée "d'autorité" ou de "respectabilité" qu'une œuvre d'art devrait avoir. Si elle parvient à toucher et à diffuser de la beauté, pourquoi la renier ?

  Aussi, tout comme il y a des chefs d'œuvre de musique classique et des chefs d'œuvre de chanson populaire, il y a des chefs d'œuvre de musique vidéoludique, et des compositeurs magnifiques. David Wise, l'un des compositeurs attitrés de l'écurie RareWare (aux côtés de Robin Beanland et de Grant Kirkhope), est ainsi reconnu dans le média comme un artiste accompli qui a su, depuis des dizaines d'années, tirer parti des capacités parfois limitées des supports sur lesquels il exerçait pour produire quelque chose qui s'approche du génie.

  Aussi, quand sort en 1995 Donkey Kong Country 2: Diddy's Kong Quest, tous les critiques, et tous les joueurs tombent d'accord pour dire qu'il s'agit là d'un des jeux les plus intelligents et les mieux réalisés jamais inventés. Parmi les nombreuses qualités que l'on reconnaissait à ce jeu, la musique, surtout, remportait tous les suffrages. Et si je puis vous encourager à écouter quelques morceaux de cet excellent jeu, ou mieux encore, à vous y essayer, vous vous rendrez rapidement compte de ses nombreuses qualités.

  Restons alors un instant sur la musique de DKC2, composée par David Wise, "le sage". Je dirai qu'il y a trois choses qui étonnent dans celle-ci. Tout d'abord, sa variété. Un jeu vidéo est avant toutes choses une aventure, et l'aventure suppose, du moins dans le monde vidéoludique, la confrontation avec divers événements et divers pièges, et rien n'est plus critiqué que la monotonie. De là, il faut un accompagnement musical qui soit capable d'évoluer en fonction des situations, et cet album-ci, plus qu'un autre, parvient à compléter de façon superbe les décors traversés. Que ce soit les volcans fumeux ou les marais inquiétants, les premières notes parviennent très souvent à nous faire comprendre ce qui attend derrière un nom mystérieux de niveau.

  Sa deuxième force, c'est son unité. Malgré ce que je viens de dire sur "l'univers multiple" du jeu, l'on reste malgré tout dans la même aventure et, à la façon d'un "concept album" qui sait raconter une histoire finie en proposant des variations infinies, David Wise est parvenu à réussir ce tour de force. Chaque morceau, aussi distinct soit-il du précédent, présente un rythme, une sonorité, un thème qui le rattache nécessairement à ceux qui le précèdent et qui le suivent, qui fait qu'on l'associe sans ambiguïté aucune à l'album global. Aucune piste n'en devient ainsi surnuméraire, chacune a sa place. 

  Enfin, sa troisième force est sa grande qualité technique, dirais-je, malgré les capacités limitées de la Super Nintendo. Ces musiques possèdent une profondeur réelle, parfois proche, toutes proportions gardées bien évidemment, d'une qualité CD telle qu'on la trouvera un peu plus tard sur Playstation ou Saturn.

  Cependant, ce n'est pas directement de cet album dont je vais ici parler, mais bien de son "remix" par l'équipe d'OverClocked Remix, site dédié à la reprise de morceaux issus de jeu vidéo. De temps à autres, une petite dizaine de compositeurs se réunissent et élaborent un album mieux construit autour d'un jeu, ou d'un thème en particulier.

  En 2010, Serious Monkey Business surgit alors, et inutile de dire qu'il a été fermement attendu par toute la communauté. Non seulement l'album est peut-être le meilleur jamais élaboré sur ce site, mais monsieur Wise lui-même participa au projet en "remixant" l'une de ses propres pistes, une première dans l'histoire du site.

  L'amour que j'ai pour cet album tient surtout à son hommage, réel mais non ostentatoire, au travail original. L'on y retrouve les trois "forces" que j'énumérais plus haut : unité, variété et profondeur. Mais à côté de cela, les compositeurs ont su exploiter toutes les virtualités des pistes et créer de la nouveauté. Cela se ressent ainsi à la façon dont certains univers prennent des tournures rock, disco voire métalleuses, et des paroles sont parfois ajoutées. Si toutes les pistes, il faut le reconnaître, ne sont pas nécessairement des magister dixit, la grande majorité est réellement impressionnante. Je me réécoute très régulièrement cet album, de la même façon que je me replonge dans un album des Beatles ou des Daft Punk.

  C'est sans doute l'un des albums du genre que j'apprécie le plus, et vous n'aurez rien à débourser pour en profiter.

  Pourquoi ne pas se ruer dessus alors ?

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