Mais où est donc passé la septième compagnie ? (1973, R. Lamoureux)

Publié le par GouxMathieu

   Avant que la mode des trilogies ne me soit parfaitement connue, entre Star Wars et Le Seigneur des Anneaux, c'était par ce trio de comédie que je découvrais le concept. Ce film inaugural, qu'on me montra à un tout jeune âge, demeure encore à ce jour l'un de mes préférés.

 

 

   Ce long-métrage est effectivement l'un de mes réservoirs favoris de citations, aux côtés des Malheurs d'Alfred et du Grand blond. L'écriture de Robert Lamoureux, qu'il n'est pas besoin de recommander, a su faire des miracles sur mon jeune cervelet qui découvrit avec plaisir les déboires du sergent-chef Chaudard et de ses bidasses, se débattant comme ils le pouvaient dans une guerre dont les enjeux les dépassaient largement.

   Je ne suis pas un homme d'armée, et je conchie les armes et la guerre, et ceux qui les font. Je comprends le mal nécessaire qu'ils représentent, mais me méfie comme la peste des idolâtres, de ceux qui envoient les jeunes gens se faire tuer pour eux, ou qui voient de la gloire dans la bataille. Heureusement, Mais où est donc... n'est pas un panégyrique de l'armée française, loin de là : en se concentrant sur les petites choses, sur les humains, il n'y a une tendresse de la modestie qui m'a toujours plu.

   Particulièrement, de loin, le début du film a toujours été mon moment préféré. Le trio de bidasses s'éloigne de la compagnie pour installer un avant-poste, dans un cimetière non loin. Ils trimballent leur bardas, leur radio et leur armes, et s'installent sur des marbres et des tombes dévorées par les hautes herbes. Ils sortent les timbales et les sandwichs au pâté, en regardant mollement l'horizon avec leurs jumelles. Pithivier, joué par Jean Lefebvre, a un soupir heureux. "Ce serait pas la guerre, dit-il, qu'est-ce qu'on est bien".

   Il y a de la philosophie là-dedans, il y a une grandeur que tout petit, je comprenais déjà et que j'ai gardée depuis lors. Tout cette première moitié, jusqu'à ce que le lieutenant Duvauchel arrive, est extraordinaire de légèreté, et je l'aime pour ça. Le moment où ils se baignent dans un lac, la chasse au lapin, les longues marches, j'ai adoré tout cela. Après l'arrivée du lieutenant, les vacances sont terminées : j'entends bien que c'était voulu, et l'effet est incontestablement réussi, mais je n'ai jamais aimé la fin des récréations.

   Et puis, il y a les pastilles mettant en scène R. Lamoureux lui-même, campant un colonel proprement dépassé par les événements et la débâcle, et cherchant à communiquer avec son état-major. J'ai mis longtemps à le comprendre, mais ni dans ce film, ni dans le suivant, n'interagit-il directement avec les personnages principaux. Ses ordres et ses actions (et notamment faire sauter des ponts) ébranlent l'univers, mais ce sont des forces extérieures, ça pourrait bien être un orage ou une nuée d'insectes.

   Les films de bidasses n'existent plus aujourd'hui, le service militaire a été aboli. D'aucuns le désirent voir revenir, des politiques s'y emploient : s'ils ont envie de faire des pompes dans la boue, ils n'ont pas besoin de ça pour s'y essayer. Mais où est donc... est sans doute pacifiste, mais il n'est pas niais. Il revendique une douceur utile, dont on a bien besoin aujourd'hui.

 

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