Les Aventuriers de l'Arche Perdue (1981, Steven Spielberg)

Publié le par GouxMathieu

   Si je devais retenir, devant l'éternel, un seul et unique réalisateur, je ne dirais pas "Hitchcock", je ne dirais pas "Welles", je ne dirais pas "Kubrick" mais je chanterais bel et bien "Steven Spielberg". S'il est vrai que les noms cités ont largement révolutionné leur art et que leurs films comptent encore aujourd'hui parmi les plus reconnus de tous, j'ai malgré tout une amitié toute particulière pour celui qui ne fait, nous dit-on, que des "amusettes populaires".

 

 

 

   Mais c'est là, sans doute, sa plus grande force : en plus de quarante années, l'homme a su enchaîner les succès populaires et goûte à tout, de la science-fiction (Rencontres du troisième type, E.T.) à l'aventure (Jurassic Park, La Guerre des Mondes) en passant par l'humour (Le Terminal), l'horreur (Les Dents de la Mer) ou le récit historique (La Liste de Schindler, Munich). L'on aurait alors tort de renier rapidement le travail de cinéaste, considérant qu'il ne fait là que du "divertissement" : comme il n'est jamais de sous-culture, bon nombre d'entre nous ont connu leurs premiers émois, et leurs premières amours pour le cinéma, par l'intermédiaire de ses travaux.

   Les Aventuriers de l'Arche Perdue (Raiders of the Lost Ark) est sans doute, aussi loin que je puis me souvenir, le premier film que j'ai vu de mon existence, sur une vieille VHS qui l'avait enregistré lors d'une diffusion à la télévision. L'effet qu'il eut sur moi est, sans aucun doute, incommensurable, et je ne serais sans doute pas le même si une autre œuvre m'avait été présentée. Et comme, pour reprendre Sarraute, "Il reste toujours quelque chose de l'enfance", je ne peux faire autrement que parler un tant soit peu de cette œuvre magistrale qui a tout du magister dixit, ou de "l'enfance de l'art". Tout ce qu'est et doit être un film d'aventure est contenu dans Les Aventuriers de l'Arche Perdue, et ce n'est pas pour rien que tout un chacun l'aura repris, parodié, cité encore et encore tant son influence est réelle et méritée.

   Comme de coutume lorsque j'aborde quelque chose d'on ne peut plus connu, je ne vous ferai pas l'affront de vous donner le synopsis ou le point de départ de ce film. Je ne ferai que mettre en avant quelques points que je juge signifiants et aimants, moi qui ne suis pas, pourtant, des plus habilités à parler de cinéma : mais l'avis d'un profane est, parfois, quelque chose de bienvenu.

   Si, généralement, l'on n'a aucun mal à isoler, dans une œuvre quelconque, un ou deux moments particulièrement touchés et que l'on retient des années plus tard, il m'est difficile de faire de même avec ce film tant, même sans l'avoir récemment revu, tout me revient à l'esprit : l'introduction magistrale avec son exploration d'un temple perdu, l'idole apposée sur un machiavélique mécanisme, le rocher qui déboule alors ; la phobie des serpents du héros lui-même ; le cours d'histoire fait aux fédéraux sur ce qu'est l'Arche d'Alliance ("vous n'allez jamais au catéchisme ?") ; la traversée jusqu'au Népal pour y rencontrer Marion, et la bataille qui s'ensuivit ; les aventures au Caire, avec ce sabreur et un coup de feu inopiné mais diablement efficace ; la découverte du tombeau sur fond de soleil couchant ; l'attaque d'un camion, d'un sous-marin ; l'ouverture de l'Arche ; ces derniers instants où on la voit consignée parmi d'autres reliques tout aussi mystérieuses... Il me suffit, je pense, qu'évoquer ces séquences pour que soudainement tout un chacun se souvienne des nombreux détails qui les émaillent.

   Cette force évocatoire, je le présume, vient en partie du scénario, de l'enchaînement des séquences qui non seulement fait sens mais grimpe de plus en plus dans la folie, retrouvant par là-même la logique des "serial", ces feuilletons qui passaient à l'époque dans les salles de cinéma avant la projection principale et qui nous permettaient de suivre les tribulations de tel ou tel héros, Flash Gordon par exemple, et qui se concentraient sur un et un seul événement à la fois. Star Wars aussi, par ailleurs, s'inspirera de cette antiquité du cinéma pour construire sa narration).

   Évidemment, parmi les autres influences des Aventuriers de l'Arche Perdue, citons Tintin mais, également et cela est peut-être moins connu, Carl Barks et les aventures de Picsou où l'on retrouve également ces découvertes de temples disparus, de civilisations oubliées, de richesses dérobées. Certaines scènes à présent culte, peut-être dans les autres films davantage, répondent directement à certaines cases de cette bande dessinée et, plutôt qu'une pompe malaisée, l'on préférera considérer tout ceci comme un hommage agréable et intéressant.

   La plus grande force, je présume cependant, des Indiana Jones, tant celui-ci que les autres du reste, c'est leur caractère daté ; non dans le sens où ils seraient aujourd'hui irregardable pour telle ou telle raison, mais pour l'idée qu'ils prennent place à un moment précis de l'histoire humaine, 1936 ici et exploitent alors toute une mythologie chronologique qui ne cesse, encore aujourd'hui, de faire vendre, ne serait-ce que, par exemple, que l'intérêt d'Adolf Hitler pour les légendes de ci ou de là et la montée de l'extrémisme en règle générale. Le choix, évidemment, des nazis comme méchants attitrés du film renvoie certes à tout un imaginaire des films de série B que l'on aime, même sans nous l'avouer totalement mais permet, également, de donner une véritable couleur réaliste à toutes ces tribulations ; et il ne suffit d'un rien, un semblant d'imagination peut-être, pour croire que bien longtemps un professeur d'archéologie avait trouvé l'Arche d'Alliance volée, un temps, par le Troisième Reich.

   C'est là, pour moi, une des grandes qualités de ce film : contrairement à d'autres films d'aventure qui, parce que trop abstraits, ou trop détachés de notre vérité - à l'instar, même, du Temple Maudit qui doit être celui que j'apprécie le moins, lui préférant même Les crânes de Crystal - nous divertissent mais échouent à s'imprimer durablement en nous, Les Aventuriers de l'Arche Perdue a un pouvoir d'évasion fascinant qui enferme tant les enfants que les adultes dans ses bras.

   Et l'excitation que l'on peut ressentir devant les péripéties du "Professeur Jones" fonctionne tout autant à huit ans qu'à quarante, du moment que l'on a su conserver, quelque part, des yeux naïfs et que l'on est prompts à croire qu'il y a des trésors partout.

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