Super Smash Bros. Melee (2001, Masahiro Sakurai)

Publié le par GouxMathieu

   Le jeu vidéo est un média jeune, nous l'oublions souvent. Il est né au cours du siècle dernier, et a encore tout à apprendre et tout à faire. Il est cependant assez vieux pour se risquer à l'histoire : et Nintendo, avant d'autres, de l'avoir compris.

 

   Comme souvent, je ne me concentrerai que sur un aspect de mon sujet : et de Super Smash Bros. Melee, je ne vais parler ni du principe, ni de son aspect compétitif, ni de son originalité, ni de tout cela : mais uniquement de son aspect encyclopédique car c'est encore cela qui m'étonna et m'étonne encore.

   Nintendo, on le rappellera, fait partie des dinosaures du média. S'ils n'étaient pas réellement là, du moins pas dans cette filière, lors de sa création, ils étaient là pour le sauver au début des années 1980 et résistèrent à toutes les modes et à tous les chemins, jusqu'à aujourd'hui. Ils forgèrent, bon gré, mal gré, son identité : et maintenant encore, tout ce que fait le jeu vidéo, dans un sens comme dans l'autre, peut être considéré soit comme une imitation, soit comme une rébellion à l'encontre de ce père envahissant.

   Aussi, c'est avec cette légitimité et ce bon droit fondamental que Nintendo fit de Super Smash Bros., en plus d'un jeu de combat, une encyclopédie du jeu vidéo. Au commencement, celle-ci n'avait qu'un chapitre dédié à sa firme, ses personnages, ses musiques, ses dates marquantes ; mais le succès immense de l'initiative invia les autres, presque tous les autres, anciens ennemis comme nouveaux alliés, à s'associer au projet. À présent, aux côtés des Mario, des Zelda et des Pokémons, l'on peut trouver des Solid Snakes, des Pac-Man, des Mega Man : et progressivement, c'est l'ensemble de l'histoire que l'on peut y trouver, une sorte de "Légende des Siècles" interactive. Quelque part, Nintendo a renoué ici avec une ancienne tradition de la micro-informative, celle de s'instruire en s'amusant : et je gage que quiconque se plongeant dans l'aventure en sortira plus savant qu'en y entrant.

   Aussi, l'intérêt du jeu, pour moi, a toujours été ici : moins dans sa complétion traditionnelle, dans la maîtrise de ses personnages ou la conquête de ses exploits, que dans l'exploration, la thésaurisation et l'accumulation de ses bonus, les musiques d'antan originales ou reprises, les trophées modélisant les gloires oubliées, les décors figurant les aventures passées.

   Peut-être vous souvenez-vous, petits, bouquinant et feuilletant ces gros livres de famille, ces Quid et ces dictionnaires, et vous émerveillant de ces photos de plantes indigènes, d'animaux exotiques, de bâtiments millénaires, apprenant en chemin l'une ou l'autre anecdote que vous avez retenue, sans savoir comment. Eh bien, Super Smash Bros. Melee, le premier, a réellement prendre en charge cette dimension, de faire de même. Je ne compte plus les heures, non à jouer, mais à contempler les figurines obtenues, à lire leur histoire, à m'émerveiller de leur passé.

   Ce jeu marque ainsi d'une pierre blanche l'histoire du jeu vidéo, et c'est encore à son plus grand ambassadeur qu'on le doit : avec lui, il me semble, le média comprend enfin qu'il possède un passé riche, immense, démesuré, sur lequel il peut s'appuyer, duquel il peut se moquer, auquel il peut faire référence. En se douant de cette dimension, en comprenant cet aspect, le jeu vidéo gagne une dimension supplémentaire, si cela était encore possible, il gagne une grandeur savante, une légitimité supplémentaire. Il ne peut plus être qu'un amusement sans conséquence, sa stature grandit : et l'existence même du jeu est un manifeste vivant de son importance prodigieuse.

 

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