Space Quest III: The Pirates of Pestulon (1989, Two Guys from Andromeda)

Publié le par GouxMathieu

   J'avais parlé jadis de Phantasmagoria, représentant étrange, mais fascinant, du jeu d'aventure micro et j'en profitais pour parler de Roberta Williams, de Sierra On-Line, de la genèse du genre : je reviens ici avec un autre de ses grands succès, la troisième aventure d'un concierge de l'espace aux prises, ici, avec un développeur de jeu vidéo tyrannique.

 

   Je laisserai l'arrière-plan aux autres : notamment, je renvoie au site Grospixels où une page a été consacrée à la série entière, ainsi qu'à mes articles traitant des premier, quatrième et cinquième épisode. Disons le principal : l'on incarne ici Roger Wilco, un petit concierge parcourant un monde galactique et parodique s'inspirant, notamment, de Star Trek, qui va se retrouver, dans une tradition grotesque bien connue, confronté à des problèmes, des situations et des dangers bien au-delà de sa compréhension et de ses talents.

   La série est un classique connu des amateurs du genre ; chacun a son épisode préféré, sa réplique culte, son personnage adoré. Je suis un chacun ; j'ai donc mon épisode préféré, ma réplique favorite, mon personnage aimé. Étrangement, on ne trouve rien de tout cela dans ce troisième épisode que je choisis, pourtant, d'aborder ici. Cela paraîtra bizarre : mais il y a néanmoins quelque chose, dans cet épisode refait récemment, que je trouve des plus agréables.

   Ne faisons pas languir, ceux qui me suivent ou me connaissent voient bien ce qui me plaît ici : bien entendu, il y a en premier lieu l'intertextualité, le jeu avec le cadre, le genre, le propos, dont j'avais parlé qui en littérature, qui en jeu vidéo, qui en cinéma. Je ne reviendrai pas sur tout ce que j'aime ici, mais je rajoute volontiers quelque chose, plus propre à Space Quest III : car le bris du quatrième mur, là, n'est pas mieux réalisé qu'ailleurs voire, si l'on peut dire, assez superficiellement fait. On rencontre les concepteurs du jeu, certes ; on raconte, après un voyage dans la n-ième dimension, comment ceux-ci arrivèrent dans notre monde, comment ils furent embauchés par Sierra et, finalement, développèrent Space Quest. On aura également droit à une forme de parodie du monde l'entreprise, vu comme des galères esclavagistes et, parodie aidant, une réflexion plus large sur l'univers du divertissement.

   Il n'y a rien ici de particulièrement intéressant ou novateur, comme on le voit. Alors quoi ? Eh bien, il y a dans Space Quest III une bonhomie, une nonchalance et une sincérité que je trouve parfaitement confondantes. On trouve dans ces mécanismes parodiques, dans ce propos grotesque et ce à l'instar des deux épisodes précédents, une grande tendresse de la part des développeurs. Il y a cette envie, immédiatement perceptible, de faire rire le joueur, de l'étonner, de le surprendre, comme un bon ami serait sincèrement ravi de vous revoir, de vous embrasser et de vous raconter sa dernière péripétie devant un bon remontant.

   Il y a des jeux qui paraissent comme des baisers ou des câlineries ; celui-ci, plus que les autres de la saga d'ailleurs qui me paraissent plus sérieux dans leur humour, si l'on peut se représenter un peu ceci, est comme une tendre poignée de mains rassurante, assortie d'une tape amicale dans le dos et de la promesse de quelques heures agréablement passées. Tous les jeux vidéo, même, toutes les œuvres culturelles ne donnent pas cette impression : il y a les pesantes et les réfléchies, dont le parcours ennoblit l'âme ; il y a les divertissantes et les frivoles, qui nous distraient de notre mort prochaine mais qui retombent comme des soufflets. Enfin, il y a les amicales, comme celles-ci, qui veulent sincèrement nous plaire et qui sont construites avec cette noblesse que l'on oublie, de loin en loin, et cette envie de bien remplir son office.

   Cela faisait alors longtemps que je n'avais point ressenti cela dans un jeu vidéo : cette honnêteté, cette candeur mais cette rigueur immédiate, ce plaisir honnêtement partagé irradie la moindre réplique de cette aventure qui a des relents de fin de cycle, ce troisième épisode ayant été sans doute pensé comme la fin de l'histoire de l'anti-héros Roger Wilco. Je puis me tromper : mais il me semble qu'aujourd'hui, dans le jeu vidéo notamment et ce même parmi les meilleurs, tout fasse bien trop d'efforts pour être honnête ou candide, dans le sens noble du terme. Faisant alors Space Quest III, je me rappelai du goût de l'évidence : et en ces débuts d'année, ce genre de rappel m'est salvateur, du moins, il m'est infiniment plaisant.

 

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