The Residents (1969 - en cours)

Publié le par GouxMathieu

   En matière de musique, je crois que l'on peut dire que je possède des goûts relativement éclectiques, comme la rubrique consacrée de ce blog peut vous l'apprendre : chanson française, rock'n roll, mais aussi airs populaires et j-pop, je mange à tous les rateliers : ce n'est pas tant que j'écoute la musique que j'aime, mais plutôt que j'aime la musique que j'écoute. Aujourd'hui, laissez-moi vous parler d'un de mes groupes favoris : The Residents.

 

   Parler des Residents, c'est se risquer à l'incompréhension et à l'énigme à tous niveaux : concernant leur formation, tout d'abord, puisqu'ils se produisent perpétuellement masqués et que l'on ignore, encore aujourd'hui, qui compose ce quatuor. Si l'on suppute dans les cercles autorisés que deux d'entre eux sont là dès l'origine, ce ne sont jamais que des hypothèses. Incompréhension musicale, puisqu'ils font ce qu'on appelle du "rock expérimental" qui ne se soucie de rien d'habituel, rythme, rime ou ritournelle, et se concentre surtout sur le dysphorique, le dystopique et l'énergumène.

   Incompréhension langagière enfin car, de la même façon que pour Frank Zappa ou Weird Al, il convient d'avoir un niveau certain de langue anglaise pour apprécier certaines de leurs compositions.

    Pour continuer sur Frank Zappa - dont on soupçonne son appartenance, au moins ponctuelle, à ce groupe -, leur discographie est des plus impressionnantes : ils s'approchent en effet doucereusement de la centaine d'albums, originaux et live compris. Se plonger dans cette riche carrière, c'est ne pas savoir où commencer tant tout semble divers et multiple : parodies des chansons d'alors (Meet the Residents, Commercial Album...), concept album dégénérés (Eskimo ou la vie d'un inuit, soit une heure de bruits de banquise, Tweedles! où le parcours d'un violeur psychopathe du point de vue subjectif...) et autres choses encore (Third Reich'n Roll, God in Three Persons...).

   Bien que connaissant le groupe depuis plus de dix ans à présent, je suis loin d'en avoir fait le tour.

   The Residents, dont les concerts ont toujours une mise en scène incroyable, n'est pas destiné à plaire. Cela peut paraître étrange voire abscons, mais c'est ainsi, je présume, qu'il faut le prendre. Tout, dans leurs costumes ceintrés et leurs masques oculaires, dans leurs musiques et leurs paroles, leurs dessins et leur univers en général, doit provoquer le malaise, le haut-le-cœur, le frisson. L'on se sait dérangé, l'on se sait en terre ennemie : un pas de côté, et nous voilà tomber en précipice ou dans les flammes de l'enfer.

    Mais c'est précisément là, avant toutes choses, la force de leur musique.

   Loin du consensuel des stars stéréotypées d'aujourd'hui, loin du discours politique et politisé que l'on chantonne au point d'en oublier la teneur pour ne retenir que l'harmonie, c'est plutôt ici le Cyclope qui vous regarde pendant votre sommeil, l'hydre dont les têtes repoussent à chacune de vos escotades, l'esche qui déchire la joue avant de vous étouffer.

   C'est un plaisir malsain et pervers, mais ouvrant, comme cela est connu, des sensations inédites jusqu'alors. Il faut, en écoutant leur reprise de Hit the Road Jack, sentir ce frisson remonter du bas des rein jusqu'à la nuque, se perdre dans votre chevelure, mordiller l'oreille, le ventre et le tétin. Il faut, en prenant le risque de susurrer Susie smiles, se griffer le bras et mettre du sel sur la plaie rosâtre.

    Il faut être masochiste.

   Je le suis sans doute comme tout un chacun, et ne renâcle jamais contre un peu de douleur judicieusement donnée : alors, The Residents accompagnent et accompagneront toujours mes escapades nocturnes quand, tandis que le jour attend, il me revient des images rouges et noires des fautes passées.

   Et c'est encore dans ce confessionnal délirant que je puis espérer le pardon en me rappelant qu'au fond de moi-même, je reste désespérément et intensément humain.

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