Alien (1979, Ridley Scott)

Publié le par GouxMathieu

  Alors que Ridley Scott revient à ses amours futuristes avec Prometheus, actuellement en salles, je me suis moi-même injecté une piqûre de nostalgie en regardant, quelques années après mon dernier visionnage, Alien premier du nom. Bien que l'adorant toujours, je me suis surpris à y voir quelque chose que je n'avais, alors, jamais remarqué.

 

 

  À nouveau et comme de coutume quand j'évoque quelque chose de fort connu, je ne vous ferai pas l'affront de vous relater l'histoire du Nostromo et de ses "huit" passagers, et du carnage qui en suivit. Je tiens à dire également que malgré l'intérêt que je puis porter à Aliens, je ne vais me concentrer que sur le film original qui, à mes yeux, se tient plus que tout. Je n'évoquerai pas, non plus, les distinctions entre "version cinéma" et "director's cut", les ajouts étant intéressants mais ne venant pas vraiment influencer la lecture que j'ai faite de ce film.

  En grandissant, je me suis aperçu à quel point le monde et l'histoire d'Alien peuvent être compris comme une réflexion sur la sexualité en règle générale, et sur les relations hommes-femmes de l'autre. De prime abord, l'équipage du Nostromo est surtout composé d'hommes, les deux seules femmes présentes (Lambert et Ripley) étant relativement androgynes ou, du moins on peut le supposer, ont dû faire valoir leur virilité au détriment de leur tendresse pour s'imposer au milieu de leurs collègues. Autrement dit, tous les éléments appartenant au monde des femmes se voient être minorés, ignorés ou retournés. Comme de juste dans ce genre de situation, c'est la sexualité même qui se trouve être sinon pervertie, du moins déréglé et qui finira par s'immiscer insidieusement.

  C'est bien entendu l'alien, le "xénomorphe" qui va introduire ces éléments de la façon la plus étrange qui soit. Ce qui va suivre va, sans doute, forcer un peu le trait de la symbolique mais, ma foi, c'est un plaisir coupable.

  Les œufs d'alien, tout d'abord, sont trouvés au cœur d'un vaisseau qui pourrait, éventuellement, représenter un utérus, un siège de vie comportant de nombreux ovules. L'introduction d'un élément extérieur, après avoir "forcé le passage" provoque, alors, l'ouverture d'un de ces œufs d'où sort un parasite qui va, à son tour, pénétrer de force l'un des astronautes. L'étreinte à tout du viol et de la pénétration forcée au terme de laquelle un deuxième embryon sera implémenté dans le corps de l'hôte. L'enfant, alors, sortira brutalement du corps de sa "mère" et ce non par les voies naturelles, mais bien par la cage thoracique avant de rapidement grandir et devenir une menace pour chacun.

  Le design de la créature, à nouveau, va faire appel à nombre de symboles liés à la sexualité et à la pénétration : la longue queue, les griffes, même l'appendice buccal dont il se sert afin de "pénétrer" les têtes, son crâne, tout en appel au sexe masculin et à la pénétration brutale, à la sexualité déviée, à la pulsion de mort et non à la pulsion de vie.

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   Ce qui est également intéressant à noter, il me semble, c'est que seule Ripley parviendra à s'échapper de l'odieux vaisseau, non sans avoir âprement lutté contre son envahisseur, et ce en se libérant de l'emprise de "Maman", l'ordinateur tout puissant qui le dirigeait. S'émancipant finalement de son maître d'acier et des impulsions malsaines de l'alien, Ripley sombre alors dans un sommeil cryogénique bien mérité, que j'aurai tendance à considérer comme une phase de transition devant transformer la chenille androgyne en papillon sexué, Ripley devenant elle-même un œuf mais, contrairement à ses congénères, non pas un œuf de xénomorphe mais un œuf "sain" et humain.

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     Alien, selon la lecture que j'ai pu en faire il y a peu, serait alors une réflexion plus ou moins terrifique sur les relations entre les hommes et les femmes et, surtout, ce qu'il advient lorsque ces relations font abstraction de toute la charge émotionnelle et sexuelle qu'elles supposent, ceci menant nécessairement à la confrontation et à la violence. Dans ce chaos sans nom, seule l'inclusion non pas d'un ordre autoritaire, mais bien d'une féminité ordonnée peut parvenir à sauver la situation. La "main gauche de l'état", pour reprendre ce que disait Bourdieu à ce propos, se doit de modérer la "main droite" sous peine de conduire au plus sévère des gouvernements.

  Tout comme le polar a permis aux auteurs de s'interroger aux concepts de vérité et de réalité, la science-fiction et, en particulier, les histoires mettant en scène des extraterrestres ont toujours été un levier utilisé par certains pour réfléchir à ceci et à cela : les invasions étaient monnaie courante lors de la guerre froide (l'envahisseur étant nécessairement l'autre, discours que Le géant de fer développe frontalement), Body Snatchers s'intéresse à une société déshumanisé, Alien réfléchit sur la sexualité. Ceci pour dire que la chose n'est pas si absurde que cela, et que le genre lui-même nous invite à la réflexion.

 

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