La trilogie Scream (1996 - 2000, Wes Craven)

Publié le par GouxMathieu

   Je suis peut-être un rien opportuniste de faire un billet sur la trilogie Scream alors que le quatrième opus va bientôt être dans les salles. Mais j'avoue les avoir regardés à nouveau sans arrière-pensée : je les avais vu à l'époque, soit il y a plus de dix, et mes souvenirs étaient relativement flous. C'est donc avec un certain plaisir que je me suis replongé dans les meurtres de Woodsboro et dans le destin chaotique de Sydney qui, décidément, n'a pas de chance dans la vie.

 

  L'histoire étant connue, je passe rapidement sur celle-ci. La trilogie suit les pérégrinations d'une jeune fille, Sydney Prescott, pourchassée par un mystérieux tueur portant un masque de fantôme devenu, par la force des choses, une icône de la pop-culture. Plusieurs meurtres et rebondissements plus tard, l'assassin est finalement découvert et finit avec une balle dans la tête. Slasher (film de tueur en série) efficace et gore par moment, la trilogie a rapidement été élevé au rang de culte par toute une génération, dont je fais sans doute partie. Et c'est pour tenter de plaire à ceux qui sont de dix ans mes cadets que le réalisateur décide de repartir sur ce qui devrait être une seconde trilogie, adaptée aux goûts du jour et modernisant un tant soit peu une recette fortement datée.

  En regardant à nouveau ces trois films, je me suis rendu compte à quel point ils étaient fermement associés aux années 1990 : la musique, les répliques, la technologie visible font que tout cela a très mal vieilli. Contrairement à des films d'horreur qui sont parvenus à une façon d'immortalité, comme L'exorciste ou Le silence des agneaux, Scream revendiquait fermement son appartenance à une décennie donnée et en tirait sa force : il développe en effet un univers constamment mis en abyme et constamment remis en question.

  Les personnages connaissent les classiques des films d'horreur (Vendredi 13, Halloween, Freddy les griffes de la nuit) et élaborent des règles restées autant en mémoire que celles du fight-club : pas de sexe ni de drogue si l'on veut survivre, ne jamais dire "je reviens" en quittant une salle, une suite doit avoir plus de morts que le film précédent... Wes Craven, qui a sans doute permis d'écrire certaines de ces règles de manière tacite, en rit sans doute tout en les mettant en application avec intelligence et critique : Scream est un film qui ne se prend jamais au sérieux.

  On ne sait jamais s'il faut craindre ou non pour les personnages, tant les morts sont téléphonées, tant les situations sont écrites par avance, tant le fil narratif est des plus discutables et ne sert que de prétexte à une débauche de sang et de cris. Mais cela fait inconsciemment partie du plaisir coupable que l'on ressent en regardant la trilogie. Série B qui se revendique comme tel, Slasher d'opérette qui annonce immédiatement la couleur, les films peuvent d'ores et déjà passer, et ce sans l'aide du fameux pastiche Scary Movie comme une parodie du genre. On sursaute comme on s'amuse, on se laisse prendre au jeu. L'idée, lumineuse je dois dire, d'introduire dans les deux suites les films Stab, adaptations des événements qui se sont passés dans le premier film, permet une lecture sur plusieurs niveaux. Les questions sont posées, mais aucune réponse n'est jamais donnée : une suite est-elle forcément inférieure à l'original ? La violence au cinéma a-t-elle des effets sur les spectateurs ? Que cherche-t-on en allant voir un film d'horreur ?

  Ce qui reste certain, c'est que c'est le téléphone qui tue dans ces films. Dans Psychose, c'était le montage ; dans L'exorciste, c'était la famille ; dans Scream, c'est la télécommunication. Dialogue de sourds où l'on ne peut voir l'interlocuteur, appels provenant de chez soi et non de l'extérieur, travestissement des voix... Scream pourrait se lire également comme une réflexion sur la façon dont les téléphones portables et même l'Internet déjà (scène de la bibliothèque dans Scream 2) ont fait évoluer nos rapports à l'autre.

  Slasher plus intelligent qu'il n'y paraît, des films qui se regardent toujours avec un grand plaisir, Scream était parfaitement adapté à son temps, ce qui a dû être sans doute l'une des raisons de son succès. J'espère que le quatrième opus saura reprendre non pas la recette, mais le génie de ses prédécesseurs : condition sine qua non pour lui assurer de bonnes critiques.

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