Discovery (2001, Daft Punk)

Publié le par GouxMathieu

   Depuis que je tiens ce blog (quatre ans déjà...), je n'ai parlé des Daft Punk qu'une unique fois, pour leur travail sur le film Tron: Legacy. C'est des plus curieux, car je suis inconditionnel de leur musique et de leur talent : et malgré leur popularité croissante, ils ont su conserver, ce me semble, leur passion première. Si je devais élire cependant leur premier disque "d'importance", du moins populaire, ce serait bien Discovery.

 

   Bien entendu, Homework, sorti en 1997, avait déjà marqué de sa griffe l'univers non seulement de la "house" mais, également, de la musique dans son intégralité. Discovery, néanmoins, réussit selon moi le tour de force d'être le premier album à jouir d'une réputation certaine et d'être entendu des oreilles de ceux que le genre laisse, d'ordinaire, stoïques.

   Je ne peux m'empêcher de croire la chose voulue : et le titre même, Discovery, de se comprendre comme "Very Disco", et il est vrai qu'en reprenant tel sample de Prince, tel autre de ELO, tel autre de Barry Manilow, on peut facilement croire que ces morceaux s'éloignent, quelque peu, du genre auquel on associe volontiers les amis casqués.

   Mais une écoute plus attentive permet de remettre en question cette impression première, et de retrouver alors les marottes de la house music, qui naquit en partie, justement, du disco et du funk : la ligne simple de basse entêtante, la voix chaude, le rythme minimal, les répétitions infinies où prennent place progressivement de multiples variations. Aussi, de la guitare électrique sans fin d'"Aerodynamic" au message évolutif de "Harder Better Faster Stronger", la musique ne peut que plaire à ceux qui pensent être réfractaires au groupe et ravira de même ceux qui les suivent depuis toujours : et les derniers albums de montrer, de même, que l'on peut persévérer sur un chemin tout en agrandissant la chaussée.

   Pendant très longtemps, Superheroes a été mon air favori, je me l'écoutais plusieurs fois par jour, tous les jours : cette montée en puissance jusqu'à l'inaudible, cette ritournelle, en sourdine d'abord, au premier plan ensuite, cette élégance enfin de la mélodie achevait d'en faire pour moi un chef d'œuvre. J'ai appris, avec le temps, à redécouvrir d'autres pièces qui me plaisaient moins alors, en premier lieu "Veridis Quo" dont les airs classiques me destabilisaient : à présent que je connais mieux mes gammes, j'entraperçois le génie de l'ensemble.

   Au-delà enfin de la musique en elle-même, je me serai plongé dans le film de Leiji Matsumoto, Interstella 5555: The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem qui fut, comme on le sait, un vivier animé aux "clips" illustrant les singles issus de l'album. Si cet anime entièrement muet, les musiques des Daft Punk n'étant jamais les seuls sons que nous n'entendrons jamais, n'est pas exempt de tout défaut et s'il a fort volontiers troqué son rythme propre pour épouser celui de l'album, il a cependant le mérite de proposer une deuxième vision des choses.

   Discovery s'approche alors du "concept album" et quand bien même ferait-il sens par sa "mise en recueil" et non de fait, cela prouve que les morceaux, pris individuellement, témoignent d'une force narrative certaine. Quand bien même cela ne serait-il, à chaque fois, qu'un chapitre de différentes histoires, elle ouvre la voie à toute une interprétation transcendante qui mérite que l'on s'y attarde.

   Il me semble alors, et cette pensée "narratologique" m'en a depuis longtemps convaincu, que l'on ne saurait restreindre Discovery à de seules questions génériques. Comme souvent, les œuvres les plus marquantes ne sauraient se réduire à une simple typologie, et c'est leur faculté à effacer les catégories, parfois même à en créer de nouvelles, qui témoigne de leur grandeur.

   C'est une chose de briller dans un domaine ; c'en est une autre d'en créer un nouveau, et d'y briller dès le commencement. Les Daft Punk, Discovery surtout mais le reste également, dans toute sa spécificité, de ne pas seulement appartenir à l'Histoire de la musique : ils l'écrivent, note après note.

 

Commenter cet article