Le Journal de Spirou (1938 - en cours, Éditions Dupuis)

Publié le par GouxMathieu

   J'ai eu l'occasion de le dire si souvent, que ça en deviendrait caricatural : de tous les personnages de bandes dessinées, de toutes les séries, classiques comme modernes, c'est toujours à Spirou que je reviens. Cet amour fut entretenu, à défaut d'être créé, par son journal.

 

 

   J'ai été lecteur assidu, abonné et membre ami pendant de longues années, une grande partie de mon enfance et de mon adolescence : je le lisais religieusement, chaque mercredi, lorsqu'on le recevait : et je dévorais les séries de longues haleines, que je connaissais déjà ou que je découvrais, plutôt de me faire mes devoirs. 

   Ce n'est que bien plus tard que je compris, cependant, que le journal n'était jamais qu'une vitrine publicitaire des éditions Depuis, qui testait ici les nouveaux et nouvelles venues, de vieilles directions et de nouveaux virages. Je m'en détournais cependant non par acquis de conscience, mais par fatigue : un amour de treize ans, cela abîme ; et je partais pour aller ailleurs, parce que je le voulais, et non parce que j'y étais poussé.

   Mais cette opinion, de ne voir ici que de la publicité, est cependant fausse ou faussée, car il n'y avait pas que cela ici. Je suis arrivé à un certain moment de l'histoire du journal, je n'ai donc pas connu les moments que l'histoire a retenu comme les plus grands, le Trombone Illustré, qui vit la naissance des Idées Noires ; la naissance des Schtroumpfs dans des mini-récits ; des numéros avec une queue de Marsupilami ou célébrant telle apparition de ce fameux personnage.

   En revanche, j'assistai, heureux, au numéro 3000 et au CD-Rom associé, qui permettait d'écouter les planches ; de la "Malédiction de la page 13", qui tourmentait les malchanceux qui y arrivait ; de Raoul Cauvin qui devint rédacteur en chef du journal, et qui finit par perdre sa moustache. Ces numéros spéciaux, je les ai encore : ils sont conservés dans des cartons sous des malles, et je les retrouve parfois, je les oublie souvent.

   Parfois, je reviens au journal Spirou, j'en feuillette quelques pages dans ma maison de presse. Je ne reconnais plus rien, même Cauvin a disparu. Il y a encore Bercovici, parfois, des petits nouveaux que j'ai croisés sur Internet ou ailleurs : la maquette a beaucoup changé, je regrette parfois la "vague rouge" de jadis qui a été tant moquée. Je repense à la Nationale Zéro, aux Crannibales, à Bobo ; je repense au plaisir d'avoir, chaque semaine, ce que la bande dessinée franco-belge faisait de mieux.

   Je ne regrette rien pourtant, j'ai grandi : Spirou, le journal et pour toutes ses qualités, ne cherche surtout à plaire qu'aux enfants. Le plaisir est le même, mais ce n'est plus tout à fait le mien ; quand je reviens en arrière, ce sont mes souvenirs que je feuillette, et rien de plus. Aujourd'hui, encore, des enfants, des garçons et des filles, découvrent la bande dessinée avec Spirou, grandissent avec, finiront par l'oublier. C'est ainsi : et c'est bien.

 

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