Solstice (1990, Software Creations)

Publié le par GouxMathieu

   Je garde des jeux de mon enfance pour plusieurs raisons : soit parce qu'ils furent des coups de cœur puissant, soit parce que je les associe à tel ou tel événement de ma vie. Et puis, il y a Solstice, qui me terrifia absolument quand j'avais cinq ou six ans.

 

 

   Comme j'ai eu à le dire occasionnellement, c'est mon frère, de dix ans mon aîné, qui m'initia à la chose vidéoludique. Sur NES, c'est lui qui choisissait les cartouches : c'est donc lui qui forgea, sans qu'il ne le sache, des goûts qui aujourd'hui encore me poursuivent. Parmi ses achats, voilà Solstice, jeu assez connu, mais peu cité toutefois, qui dut lui plaire par son illustration extraordinaire. On voyait un sorcier puissant, les bras levés et les abdominaux saillants, invoquer la foudre et les éclairs. L'histoire est battue : le sorcier Morbius a enlevé la princesse Eleanor, qu'il compte sacrifier pour devenir omnipotent. À Shadax le magicien d'arrêter la manigance, notamment en reconstituant le sceptre de Demnos, dont les parties se trouvent au plus profond de la forteresse de l'odieux.

   Solstice est un jeu fascinant, et presque comme une irrégularité sur la console de Nintendo. Il ressemble davantage à un jeu micro, et on ne sera donc point surpris d'apprendre que l'équipe de développement fit ses premières armes sur Commodore 64, sur Amiga ou sur Atari ST. Ce type de jeu d'aventure en 3D isométrique, bien qu'occasionnel sur console de salon à cette période, était surtout l'apanage d'autres supports qui lui donnèrent tous ses titres de noblesse.

   Dès les premières secondes de jeu, quelque chose me déstabilisa en jouant à Solstice. J'étais alors surtout habitué à de la plate-forme en deux dimensions, à Super Mario Bros. notamment, ou encore à Tetris. Même si je savais que ce type de vue particulière existait, je ne l'avais cependant jamais essayé encore ; et alors, je ne comprenais pas parfaitement la correspondance entre la vue et la manette de jeu, qui demande à opérer une translation dont j'étais incapable.

   L'univers du jeu était également implacable et terrifiant. Sa musique, surtout, de Tim Follin qui est à présent l'un de mes compositeurs favoris en la matière, brillant au panthéon avec les Kondo, les Wise et les Hüslbeck, avait des sonorités inédites qui me terrifiaient absolument, je ne parvenais qu'à grand peine à bouger ; le cri que poussait Shadax en mourant me vrillait les os. Comme ces films d'horreur qui impressionnent les jeunes yeux, alors qu'il n'y paraît guère une fois adulte, Solstice ébranla mon âme sans que je ne comprenne à présent tout à fait pourquoi.

   Aussi, je ne suis revenu à Solstice que bien, bien plus tard dans ma vie, presque des dix ans après. Je ne l'avais point retouché depuis ses premiers instants terrifiants, mais je le retrouvais au fond d'un placard lors d'un déménagement. Je m'y risquais une nouvelle fois, avec l'expérience nouvelle et le courage affirmé, et le jeu devint l'un de mes petits préférés. Il y a des œuvres, comme ça, qui nous échappent à un moment donné, mais que l'on prend plaisir à retrouver : Solstice en fait assurément partie.

   Même maintenant, et malgré son âge (trente ans déjà !), il reste à mon goût un jeu solide, très intéressant, passionnant voire, d'une force et d'une intelligence belle. Il est difficile néanmoins, et il faut sans doute s'habituer à ses contrôles : mais on s'y fait rapidement, et on ne regrette rien. J'ai vécu l'un de mes démons puérils : c'est déjà ça, mais d'autres m'attendent encore.

 

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