The Witness (2016, Jonathan Blow)

Publié le par GouxMathieu

   J'ai sans doute eu l'occasion de le dire ailleurs, mais les jeux d'énigmes comptent parmi mes préférés. Quand bien même finirais-je toujours par accéder à une solution et à finalement abandonner mes tempêtes crâniennes, il y a toujours là une intrigue qui beaucoup me plaît.

 

   J'avais jadis chanté les louanges de Braid, et le jeu n'a, à mes yeux, nullement perdu de sa superbe. Secrètement cependant, j'attendais le prochain fait d'armes de Jonathan Blow, afin de déterminer si le coup premier était un hasard ou une borne, et The Witness me confirma cela : Braid n'était point un accident, et le développeur de parler un langage qui décidément me plaît absolument.

   Quelque part, The Witness pourrait apparaître comme un contre-pied songé, réfléchi, de Braid : le joli pastel de la deux dimensions laisse sa place à la 3D polygoné et en point de vue interne, la linéarité des stages à une aventure semi-ouverte, l'ingéniosité de la résolution des épreuves temporelles au canevas solide des quadrillages identiques. Mais faire du même avec le distinct, c'est encore pour moi la plus grande marque du génie des autres.

   Au regard de Braid justement, The Witness apparaît bizarrement plan. Il ne s'agit là que de résoudre des énigmes, toujours les mêmes généralement, consistant à dessiner des lignes reliant plusieurs points, selon un certain nombre de règles apprises séquentiellement. Parfois, il ne s'agit que de relier le départ et l'issue ; ailleurs, il faut cercler les carrés blancs et non les noirs ; ailleurs, reproduire l'ombre judicieuse des branches d'arbres projetées sur le tableau. Au regard des autres du genre, les Portal ou les Thalos Principle, on passe nécessairement par une phase de déception. "Que ça !", se dit-on. Eh ! Oui.

   Mais quand on comprend que les énigmes sont très, très nombreuses, bien plus que dans les exemples précédemment cités ; que l'histoire est toute en pointillée, subtile et légère, bien plus que celle de Braid qui parfois pourrait apparaître arrogante, du moins, c'est là une opinion que l'on voyait souvent répandue ; qu'enfin, le cadre est bucolique et silencieux, bizarrement reposant ; alors, on saisit qu'entre action et inaction, passage et témoin, nous sommes à la fois le moteur de cette narration qui lentement se tisse, et le vanternier qui se rend coupable d'effracter la quiétude de ce curieux paysage.

   Je comprends que ces choix de jeu décontenancent, déplaisent, sans doute beaucoup trouveront là de la pompe à défaut de génie, du criard plutôt que de l'harmonie. De cela, je ne dirai rien : vraiment, tout ce que l'on reprochait déjà, à l'époque, à Braid se retrouve ici, certes sous une autre forme, mais bien proche. Comme je le notais, quelque part, The Witness est l'antithèse parfaite du précédent ; et comme tous les contraires parfaits, il est en réalité plus proche de son modèle que les semblables, tant toute son existence dépend nécessairement de cette autre identité.

   Aussi, et parce que j'ai tant aimé Braid, je ne pouvais qu'aimer The Witness ; parce que j'ai aimé sa narration et sa posture, sa hautesse, je ne pouvais qu'aimer la retrouver ailleurs ; parce que, enfin, la beauté de l'un vaut bien la beauté de l'autre, la musique de l'un le tressaillement aviaire de l'autre ; je reviens autant à The Witness qu'à Braid. Davantage peut-être, d'ailleurs ; car autant je me souviens toujours, vivement, les énigmes temporelles, j'oublie régulièrement les diagrammes testimoniaux : et chaque parcours est comme le premier, et je rejoins perpétuellement cet extase originel qui nous prend, lorsqu'on aime absolument à peine nos yeux ouverts.

 

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I
Article bien écrit mais un peu court (Je m’attendais à plus de détail ou bien une approche). Mais bon c’est Simplement un billet d’opinion
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G
Merci pour votre commentaire ! Effectivement, ce billet est davantage du ressenti que de l'analyse, que je réserverai à mes autres plates-formes telles mon émission de radio ("Ludographie Comparée") ou le site GrosPixels.com. Certains billets de ce blog s'aventurent sur ces sujets au gré de mes inspirations, mais ce n'était point le cas ici, l'inspiration me manquant alors !