Airplane! (1980, Zucker, Abrahams & Zucker)

Publié le par GouxMathieu

   Quand je reviens sur les oeuvres qui forgèrent mon sens de l'humour, je pense à Achille Talon, je pense aux Robins des Bois ; mais je pense aussi à certains films, notamment américains, qui m'apprirent l'absurde et la parodie, quand bien même serait-elle parfois pesante. Je parlerai bien un jour de Mel Brooks, mais aujourd'hui, évoquons Airplane!, du trio ZAZ.

 

 

   Je ne saurais dire si Airplane! fut le premier film du trio que je découvris jadis, ou si cela fut un Naked Gun ; dans mes souvenirs, les choses sont assez proches l'une de l'autre. Le film avait été enregistré sur une VHS, précautionneusement emmagasinée parmi l'immense, ou du moins, respectable vidéothèque que nous avions dans ma maison d'enfance. Je pense que c'est mon père qui me le fit découvrir, je ne vois personne d'autre dans ma famille aimant ce type d'humour : et cela eut une influence considérable sur moi.

   Quelque part, on pourrait volontiers rapprocher le trio ZAZ, composé des frères Zucker et d'Abrahams, des Nuls d'Alain Chabat, Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Farrugia, qui les donnèrent d'ailleurs, ce me semble, comme des modèles. Il y a cet amour particulier pour la parodie et le grotesque, pour l'absurde, pour le mitraillage de blagues, de jeux de mots, de références choisies. Tant pis si l'une ne fonctionne point : il en est quarante autres qui arrivent immédiatement, et au moins l'une d'elle fera nécessairement mouche.

   Pastiche avoué des films catastrophes qui fleurissaient alors, Airplane! nous propose de suivre les passagers et passagères d'un vol commercial en pleine tourmente, tandis que tout l'équipage se retrouve dans l'incapacité de piloter. L'espoir repose alors sur Ted Striker, ancien pilote militaire hélas traumatisé par les horreurs de la guerre, qui devra surmonter ses peurs pour toutes et tous les sauver. Sur ce canevas d'un classicisme remarqué, le trio ZAZ ne manque aucune occasion de détourner à la fois les tropes et topoï de cette histoire, mais également de pousser jusqu'à l'absurde le moindre élément.

   On trouvera alors, pêle-mêle, des panneaux indicateurs d'un intérêt discutable ; des discussions incompréhensibles (dont le fameux "Don't call me Shirley" qui, hélas, est impossible à traduire en français) ; des réactions démesurées à des problèmes mesurables. De la même façon qu'un Astérix, comme je soulignais jadis, la hauteur du film grandit au fur et à mesure de mes relectures, au fur et à mesure que j'apprenais davantage du monde et saisissait, alors, ce qu'on me présentait.

   Mais indépendamment de toutes les fulgurances, et de tous les échecs car il me serait malhonnête de dire que tout fonctionne ici, je pense que ce film m'apprit une certaine plastique mentale, une certaine faculté de concentration. Car pour tout saisir ici, pour tout comprendre, il nous faut manipuler différents codes, gags visuels, jeux de mots et à-peu-près, références historiques et cinématographiques. Il nous faut viser le prométhéen, et assimiler avec une célérité particulière tout ce qui arrive, comme si plusieurs personnes nous parlaient en même temps et qu'il nous fallait tout suivre sans faille.

   Celles et ceux m'ayant vu travailler sont toujours surpris de me voir opérer de la sorte, d'écrire ou de lire, et d'écouter une émission de radio en parallèle, ou écrire plusieurs textes en même temps - comme ici, où j'écris ce billet, écoute une analyse du film The Shining et compose le brouillon d'un futur article scientifique ; mais si c'est là un talent, à l'intérêt limité je le concède, que j'ai su développer avec le temps, je pense qu'Airplane! m'aida ici. C'est la multitude dans tout ce qu'elle a de chaotique mais également, et pour moi, dans tout ce qu'elle a de stimulant, et une expérience que j'aime à reproduire régulièrement.

 

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