Criminal Minds (2005 - en cours, Jeff Davis)

Publié le par GouxMathieu

   Je l'ai dit par le passé, mais j'ai une corde sensible pour les faits divers, les chiens écrasés, et particulièrement pour les histoires de crimes et de passion. Je ne chercherai pas même à philosopher davantage ici : cela puise dans une sorte de voyeurisme que j'assume précisément. Quand, cependant, ce voyeurisme se pique, même grossièrement, de mes marottes comportementalistes, je ne peux que l'apprécier davantage encore.

 

   Il faut résumer la chose simplement, car c'est encore simplement qu'elle se déploie : Criminal Minds nous propose de suivre un aréopage d'enquêteurs du FBI, plus précisément du "BAU" ou "Behavioral Analysis Unit". Ce sont des agents spécialisés, particulièrement, dans les sciences cognitives, l'étude du comportement humain, la sociologie même, autant de connaissances leur permettant de dresser le portrait-robot, tant psychologique que physique, de tel ou tel tueur, ou telle ou telle tueuse, œuvrant sur le territoire américain.

   Quelque part, cette série fait partie de celles, nombreuses, qui renouvèlent le genre policier en spécialisant les héros et héroïnes que nous suivons, chaque discipline apportant un éclairage déterminant sur la façon dont la "police scientifique" traque les assassins. Ce qui m'est cependant particulièrement agréable, c'est que les astuces et les savoirs délivrés ne sont pas d'ordre chimiques ou biologiques, mais bien de l'ordre de l'interaction humaine.

   Je ne peux prétendre avoir tout vu ici : la série est fleuve, souvent les acteurs changèrent, tel partant, telle arrivant, je ne connais que les deux premières saisons. D'ores et déjà cependant, il est des qualités notables et pour m'être renseigné, que l'on retrouve encore. Notamment, les épisodes, bien qu'assez longs, sont fort bien rythmés, et se regardent très bien ; les acteurs, dans toute leur diversité de jeu, vendent assez bien les répliques et à défaut de génie, il y a là du travail ; les intrigues, surtout, sont intéressantes.

   Contrairement à ce que je pensais de prime abord, il y a peu d'histoires concernant des tueurs en série, ou des sociopathes, ou d'autres sucreries de ce genre que l'on trouve pourtant, et souvent, dans ce genre. Il y a, au contraire, comme une sorte de plaisir à dévoiler les monstres du quotidien, les préméditations adventices, les illuminés de toutes sortes. Surtout, et c'est quelque chose que j'aime davantage, la dimension sociale de ces saynètes est notable.

   Chaque épisode, ou presque, présente une scène de "profil". C'est l'instant où les enquêteurices, après avoir fait plusieurs intelligentes constatations, tracent le portrait-robot de celui qu'ielles recherchent. Ces portraits me fascinent particulièrement, notamment parce qu'elles permettent, de comparaisons en références, de rattacher ces meurtriers imaginaires à de véritables tueurs, dont ils empruntent le modus operandi, l'apparence, la mission autoproclamée. Incidemment alors, nous voilà entrer moins dans l'émotionnel, quand bien même pourrait-il guider, ponctuellement, l'intrigue, que dans l'analyse sociologique.

   Ainsi, la série de rappeler quelques vérités simples, peut-être intuitivement perçues ailleurs mais jamais aussi explicitement dites ; ainsi de dire, et de montrer, que les agresseurs sont statistiquement en majorité des hommes, et en majorité d'ailleurs, aux États-Unis ne serait-ce, des blancs ou identifiés comme tels ; que les victimes sont généralement des femmes ; que la pulsion sexuelle, frustrée d'ailleurs, guide souvent ces monstrueux actes. Dire cela, ce n'est pas, comme d'autres pourraient le prétendre en réagissant violemment, faire le jeu de la "bienpenseance" : c'est rappeler quelques faits statistiques, et tenter de les comprendre. Du reste, bien ridicule serait celui, voire celle, qui accuserait une émission policière, diffusée sur une heure de grande écoute et sur une chaîne câblée étasunienne de belle ampleur, de verser dans le militantisme communard !

   C'est d'ailleurs sans doute ici que tout le paradoxe de l'écriture se fera jour, et c'est peut-être d'ailleurs ici que mes critiques les plus pressantes se fondent : car même si cet aspect de l'écriture m'est plaisant, le reste de la gourmandise, et particulièrement les relations tissées entre les enquêteurices, versent dans un certain convenu - du moins pour les épisodes que j'ai pu voir. Une fois encore : peu de génie ici, et même assez de facilités. Un peu de caricature ici pour le personnage autiste ou asperger, un peu de fridging pour les personnages féminins ; parfois, un trait ou une remarque sort de l'ordinaire, mais c'est peu, bien trop peu pour faire abstraction de ces inélégances d'écriture.

   Quelque part, on pourrait cependant, et plus facilement qu'ailleurs, faire abstraction de ces éléments tant ils sont communs à d'autres séries. Ils ressortent, cependant, plus violemment qu'ailleurs, par contraste peut-on dire : le propos général est si atypique pour une série policière, que le reste, si normal soit-il ailleurs, ne peut que sortir plus dérangeant. C'est sans doute en cela que la série réussit, me réussit tout du moins : et il est bon de se rendre compte à quel point le normal est loin d'être neutre.

 

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