À la belle de mai (1994, Renaud Séchan)

Publié le par GouxMathieu

   J'avais parlé, il y a fort, fort longtemps, d'un de mes albums de Renaud favoris, Morgane de toi ; mais si je devais finalement élire, devant l'éternel, celui qu'entre tous je préfère dans l'absolu, je choisirai celui-ci : À la belle de mai.

 

 

   Dernier album "original" de la fameuse "che-tron sauvage" avant son absence nécessaire, cette œuvre représente à mes yeux toute la quintessence du style de ce chanteur qu'entre tous j'adule. On y trouve, effectivement, les "trois grandes catégories de chanson" que je discriminais jadis : les "rigolotes" ("Cheveu blanc", "Mon amoureux", "À la belle de mai"), les tendres ("Le sirop de la rue", "Devant les lavabos"), et les "engagées" (toutes les autres, en vérité). Si, sans aucun doute, les deux premières catégories ne sont pas ici les mieux représentées et que l'on préfèrera sans doute les plus vieilles, et ce malgré toute mon amitié pour "Mon amoureux" (réussir à caler, en rime, le mot Marsupilami est un tour de force qui vaut bien tous les tamariniers baudelairiens) et pour "Devant les lavabos" pour sa mélancolie sourde, autant, je pense, que les chansons politiques sont ici les meilleures de toutes.

   Il me semble, qu'ici, la pensée de Renaud a atteint son paroxysme, et qu'il soit arrivé à atteindre une forme de grâce dans son analyse, touchant à la fois le fond des choses, la fragilité de la langue et l'intelligence du reste. La chanson d'ouverture, "La ballade de Willy Brouillard", est un blues étrange en hommage, même si le chanteur s'en défend finalement, d'un "flic" faisant des rondes de nuit et confronté et à une vie qu'il n'a pas choisie, et à l'horreur de la misère des banlieues ; "Adios Zapata !", sur un air bien plus dansant, évoque, comme n'en ayant pas l'air, la culture du pavot en Amérique du Sud et la façon dont ses habitants tentent de se jouer du système ; "La médaille", qui attirera à son auteur bien des ennuis judiciaires - preuve qu'il a, quelque part, gratté là où il le fallait - est une fable antimilitariste qui n'aurait pas dépareillé dans les années 1930 et qui rappelle, par endroit, son album de reprises des chansons du temps Le p'tit bal du samedi soir.

   Avec cet album, Renaud finit de convaincre ceux qui n'avaient pas été, encore, convaincus de son talent inénarrable.

   Un chef d'œuvre, à n'en point douter.

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