Hellzapoppin' (1941, H. C. Potter)

Publié le par GouxMathieu

   Reprenons nos activités de toile en cette rentrée et parlons d'un film découvert joyeusement pendant les fêtes. Ode burlesque et absurde qui aura influencé, je me plais à le croire, le cinéma et la télévision à travers les lieux, du trio Zucker/Abraham/Zucker aux Robins des Bois, Hellzapoppin' est une farce qui ne fait pas son âge, et qui fait rire aujourd'hui comme il faisait rire dans l'entre-deux guerres.

 

   Considérons les choses : Hellzapoppin' est une adaptation d'une comédie musicale de Broadway, créée en 1938 et ayant connu alors un très grand succès. Il est difficile d'en déterminer l'histoire, si histoire il y a : il s'agit davantage d'une série de sketchs ou de micro-récits s'incluant plus ou moins dans les autres, se suivant plus ou moins sérieusement, parlant un peu d'amour, un peu de jalousie, beaucoup de n'importe quoi.

   Le film qui en est alors issu semble donner dans le récit enchâssé, grande spécialité des âges classiques, et il y a alors plusieurs niveaux de narration s'incluant les uns dans les autres. De prime abord, il s'agit de suivre deux producteurs tâchant d'adapter la comédie musicale sur grand écran : ce faisant, les voilà aller à la rencontre d'un scénariste leur détaillant son script alors qu'est projetée sa vision des choses, déjà tournée paradoxalement. Cette histoire a pour noyau un triangle amoureux des plus classiques : un couple doit se marier, mais celle-ci en aime un autre, qui se trouve être le meilleur ami du premier. Voilà alors des clowns tenter de détruire subrepticement l'idylle afin que l'ordre règne.

   Mais pour en arriver là et, du reste, si l'on se soucie un tant soit peu de l'histoire (qui n'est sûrement pas l'objet du film, oh que non !), il faudra faire appel à toute une galerie de personnages, un prince russe se faisant passer pour un aventurier, un détective privé embauché pour on ne sait quelle affaire et qui ressemble comme deux chapeaux melons à Elmer Fudd des Looney Tunes, un commis voulant remettre à une certaine Mrs. Jones un bonzaï qui finira, à force de recherches, par devenir un cèdre magistral et, surtout, Betty, jouée par une Martha Raye désaxée, qui tient véritablement le film sur ses épaules.

   Tout foisonne dans ce long-métrage : les dialogues, truffés de doubles-sens desquels la traduction française, aussi parfaite soit-elle, ne fait qu'effleurer le génie ; les morceaux musicaux, tendres parfois, irréalistes souvent ; les décors richement garnis et offrant à boire et à manger à ceux qui les observeront avec soin ; le jeu constant avec le quatrième mur, ou plutôt avec les quatrièmes murs puisque les récits s'imbriquent, qui ira jusqu'à la salle physique du cinéma où le film est projeté, et le petit Stinky Miller est appelé par ses parents merci hop hop on se dépêche.

   Si l'on devait trouver une inspiration, ou plutôt un objet approchant, il faudrait se tourner vers Tex Avery, vers Daffy Duck, vers Bugs Bunny. Screwy Squirrel, apparu quelques années plus tard, semble s'inspirer énormément de Hellzapoppin', la fameuse réplique "everything but the kitchen sink" étant en bonne place dans ce long-métrage.

   Il y a une véritable liberté dans cette œuvre au détriment, bien entendu, de sa construction narrative et de sa cohérence. L'objet terminal de l'histoire, l'idylle à sauver et, plus tard, la pièce de théâtre à monter et à montrer à un producteur, passe au second plan. Pour le dire sincèrement, l'on n'y comprend rien, et bien malin sera celui qui parviendra en un paragraphe à résumer le squelette de cette fiction plus baroque qu'autre chose. On ne peut que regretter, parfois, que les films comiques d'aujourd'hui, si ce n'est quelques représentants d'un humour con qui tend à se perdre, ne se risquent pas à explorer davantage les ficelles de leur art. Ils ont sans doute peur de perdre le spectateur en route, de le déconcerter.

    Dommage : il me semble que l'on manque, aujourd'hui, d'absurdité. Plus le monde fait sens, et moins il est sensé ; pourquoi ne pas tenter une autre approche ?   

 

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