Us (2019, Jordan Peele)

Publié le par GouxMathieu

   Le genre de l'horreur n'a jamais été, pour le cinéma, ma tasse de thé, même si j'ai déjà eu en à parler ci et là. Mais lorsque j'aime, j'aime absolument ; et Us est à présent l'un de mes films d'horreur favoris, sans commune mesure avec le reste.

 

 

   J'ai connu jadis Jordan Peele avec Get Out, qui fit à l'époque bonne sensation. J'étais passé depuis à côté de Us, pour diverses raisons, mais les services de streaming m'ont permis de m'y plonger agréablement. Même dans le confort de mon domicile, même avec la lumière et ma chatte qui ronronnait sur mes genoux ; le film distillait son angoisse existentielle fort et loin, et le soir venu, je n'étais pas rassuré en entendant le moindre bruit, en voyant une ombre bouger.

   Us nous plonge effectivement dans cette inquiétante étrangeté, dans cet Unheimlich freudien que l'on connaît assez. C'est le naturel un peu décalé, le petit détail qui fait faux : ici, nos propres doubles, les doppelgängers, qui nous assaillent jusqu'à chez nous, nous tuent et prennent notre place. C'est un ressort fantastique, pas mal exploité depuis les origines : mais qui est ici raconté avec une brillance nouvelle.

   Il y a dans Us un sous-texte évident, dans lequel le réalisateur s'est spécialisé, qui permet sans mal aucun de créer des liens entre cette histoire et notre monde contemporain. Bien entendu, l'horreur a toujours versé là-dedans, j'en avais parlé jadis ; mais la façon dont le réalisateur parvient à redynamiser ces thématiques est à considérer attentivement. Il y a notamment cette phrase terrible, lancée par l'une des doubles, "We're Americans!" qui résonne particulièrement tant le conquérant devient lui-même conquis.

   Le discours se compliquera cependant, car cette famille qui semble normale sous tout rapport entretient elle-même une position ambiguë au regard de l'autre famille qui en est le miroir, à la double et identique, avec laquelle elle est en compétition. L'une survivra pourtant, et pas l'autre, sans doute car elle sait s'adapter et progresser, comprendre le bon : c'est la boussole morale qui guidera les corps.

   Surtout, ce film est un miracle de cinéma, un miracle d'efficacité et d'intelligence de mise en scène, de composition, de jeu. Dans ce genre si particulier qui exhibe volontairement son factice et sa facilité, qui s'en moque et en rigole assez, qui aime à s'auto-référencer, Us ne quitte jamais les yeux de sa cible et même s'il s'autorise quelques écarts pour abaisser la tension, reste d'une concentration inédite, honnête et sans cynisme : c'est un film sincère, jusqu'au bout.

   Get Out m'avait persuadé ; Us a fini de me convaincre. Jordan Peele est à présent l'un de mes réalisateurs favoris, l'un des grands noms du cinéma dans mon panthéon personnel. Je suis maintenant son actualité avec un grand intérêt, je sais ne pas être déçu : j'ai rencontré une nouvelle personne dont le cœur bat au même rythme que le mien. Cela est si rare, et cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps, que je ne peux qu'en être heureux.

 

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