Guru Guru (1968 - en cours, Mani Neumeier et al.)

Publié le par GouxMathieu

   J'aime le rock'n roll, on le saura ; et entre toutes ses variations, le rock progressif fait sans doute partie de mes plus belles amours. De Frank Zappa à Magma, en passant par King Crimson et Pink Floyd, il est une passion, une énergie sourde et longue, qui me plaît toujours. Lors de mes explorations du genre, je découvris Guru Guru, sans doute point le plus connu, mais parmi mes favoris.

 

   Dans ce que les critiques appelèrent, goguenardes, le "krautrock", soit le "rock choucroute", cette famille du rock progressif venue spécifiquement d'Allemagne et qui se départ donc du rock qui britannique, qui américain, par un son plus aérien, plus éthéré, aux rythmes moins marqués, on connaît généralement Can, Neu!, Amon Düül voire Kraftwerk, quand bien même ce dernier exemple s'éloignera progressivement du genre pour quelque chose de plus électronique. Guru Guru est sans doute plus obscur ; mais il n'est pas moins méritant.

   Le groupe est, était, bien entendu ami avec toutes ces diverses formations : et s'il n'est pas aussi bien resté en mémoire, c'est la faute du hasard, c'est la faute du temps ou de l'histoire, nullement le manque de talent ou d'intelligence. Ce groupe, étrangement et paradoxalement, sonne comme chacun des autres que j'ai donnés, mais a un timbre, un univers qui lui appartient seulement, de longs solos de batterie, le porteur du groupe jouant notamment de cet instrument, de puissantes envolées lyriques, une forme d'engagement que l'on ne peut qu'apprécier.

   Car Guru Guru, et c'est à noter et à comprendre, sans doute, pour rentrer dans leur univers, d'être politiquement engagé par leur art. Flirtant souvent avec les mouvements et la gauche extrême, donnant des concerts dans des prisons ou des assemblées d'étudiants, lisant des textes libertaires et appelant des révolutions mondiales, c'étaient et ce sont des artistes convaincus que leur art devait avoir une portée citoyenne, et cela ajoute volontiers, me concernant, au plaisir que je puis avoir de les écouter.

   Leur postérité, leur vivacité est sans doute à reconnaître : et si je demeure malgré tout un inconditionnel de leurs premiers travaux, notamment d'UFO et de Dance of the Flames, pour moi parmi leurs meilleurs albums, leurs derniers concerts, leurs derniers projets dont l'envoûtant PSY me retiennent volontiers dans ces mondes de sons et de couleurs mêlés dans lesquels j'aime à me perdre et ne jamais me retrouver.

   Finalement, et sans spécialement avoir songé à un quelconque esprit de contradiction, je n'écoute plus vraiment Can ou Neu!, je ne reviens que rarement auprès d'Amon Düül, je ne trouve Kraftwerk qu'incidemment, par adventices presque. Guru Guru, en revanche et lui, demeure et subsiste, année après année, dans mes oreilles et mon esprit. J'y reviens très régulièrement, que je travaille, que je lise ou me prélasse ; je le conseille à mes ami.e.s et aux ami.e.s de mes ami.e.s ; il n'en faut pas de beaucoup pour que je dise qu'il s'agit là d'un de mes groupes favoris et il n'est pas interdit de croire que, d'ici quelques années et sa force grandissant en moi, son édacité attaquant les dernières résistances que je puis avoir, ce soit effectivement le cas.

   Il est des amours d'enfant, il est des amours d'adulte ; et il est des amours qui grandissent, se renforcent progressivement, augmentent doucement, sans y paraître. Guru Guru fait sans doute partie de cette dernière famille : et il m'aura fallu peut-être dix ans pour m'en apercevoir enfin.

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