Didier Super (né en 1973)

Publié le par GouxMathieu

   Un proverbe, plutôt un tour connu, affirme volontiers "punk is not dead". Je me range parfaitement derrière cette affirmation, ne serait-ce parce que le punk a toujours existé, des dandys magnifiques aux coiffures extravagantes de nos rues. Si l'on associe généralement ce mouvement avec la Grande-Bretagne, c'est oublier que la France ne fut pas la dernière à hurler : et Didier Super d'être, alors, l'un de ses plus récents représentants.

 

   Je suis venu au punk d'une façon naturelle, dira-t-on. Grand amateur de rock'n roll et de toutes ses infinies variations, il était naturel que je vienne vers cette descendance, née d'un besoin fascinant de simplification. Les Beatles, mais aussi nombre de groupes expérimentaux et progressifs, complexifiaient volontiers une musique pour, peut-être, lui donner des lettres de noblesse ou lui faire acquérir un académisme légitime ; le punk de venir et de "renverser la table de thé" comme on peut le dire parfois, et d'opposer à ces constructions élaborées la fougue de l'immédiat.

    J'étais sans doute plus volontiers Ramones que Clash ou Sex Pistols, peut-être parce qu'il y avait là davantage d'humour, qui n'est jamais que la politesse du désespoir pour reprendre un mot de Chris Marker. L'on peut certes se révolter à renfort de gueuleries, de coups de poing, d'appel au meurtre et cela est sans doute bon ; mais l'on peut aussi, et comme le faisait Reiser dont je parlais il y a peu, faire appel au rire du dominé, au ridicule du dominant. Renaud, et bien qu'il n'ait jamais appartenu pleinement à ce mouvement, d'être surnommé le "chanteur énervant", et je pense que c'est une étiquette qui convient bien au punk dans son ensemble.

   Didier Super, donc. Un ami m'a fait connaître, dès les commencements de sa "carrière médiatisée", vers le mi des années 2000, son univers si particulier et je tombais alors sous le charme de son humour enlevé et crade, de son irrévérence léchée et dégueulasse, de sa réflexion élaborée et détestable, de son humanisme tranquille et cynique. Contrairement à ce que j'ai l'habitude d'écrire ici, sur le clair-obscur, sur le crépuscule, sur le ramponneau, Didier Super ne cherche pas spécifiquement à mélanger les contraires mais les juxtapose et le contraste fait rendre, alors, l'ensemble plus vif et plus fort.

   On pense alors à "Comme au Brésil", une chanson sur les brigades de la mort purgeant les favelas et un plaidoyer contre l'enfance et les enfants en général ; à "À bas les gens qui bossent", qui nous rappelle toute l'absurdité du chômage structurel de masse et nous appelle à s'en foutre, "Le club des catholiques" qui parle de lui-même... Disons-le, ce sont toutes des chansons de merde. Et cela est tant mieux. On le saura volontiers, mais l'expression "du bon punk" n'est pas loin d'être un oxymore, sinon une escroquerie.

   Aujourd'hui lassé du système et des majors, de la rentabilité et de l'inspiration forcée, il s'aventure ailleurs, du côté du théâtre, de la bande dessinée, intervient de ci, de là, auprès d'amis bons et moins bons, le temps d'un bonjour, d'une blague, d'un sourire, voire, et c'est peut-être le plus régulier, d'une insulte.

   La carrière de Didier Super, s'entend, sa carrière musicale et "discographique", a été alors écourtée. Tant mieux aussi, quelque part : ses concerts attiraient à eux tout un public qui, pour dire les choses tranquillement, manquait du recul nécessaire pour "lire entre les lignes". De la même façon que pour Laibach, ailleurs et dans un autre style, l'on comprit les choses souvent absolument et la satire, comme je l'indiquais en réaction à de bien tristes événements, ne portaient plus. On se consolera cependant en téléchargeant - on est encouragés à cela ! - les rares albums et live que l'on peut trouver et en se plongeant dans ces reprises désarticulées des chansons populaires d'antan.

    C'est peut-être con. Mais tout est con.

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