Bricks Breaker Puzzle (2018, Mobirix)

Publié le par GouxMathieu

   Si l'on m'avait dit, il y a quelques années de cela, que j'écrirais un billet comme celui-ci, je ne l'aurais absolument pas cru. Voilà quelques paragraphes à propos d'un jeu sur téléphone portable, duquel je ne peux ces derniers temps me détacher ; qui est pétri de tous les défauts que l'on peut trouver à ces jeux ; qui m'agace autant qu'il me frustre, et qui me frustre autant qu'il me plaît. J'y vois du génie, ou de l'inconscience.

 

 

 

   Le casse-brique est un des genres les plus vieux du jeu vidéo, issu des âges où l'on ne savait faire guère que des bâtons, et des formes vaguement rondes bien qu'anguleuses. C'était le temps de Pong, et c'était le temps de Breakout. Quand bien même ce genre aurait-il connu une nouvelle noblesse avec Arkanoid, et qu'on le retrouverait aujourd'hui ci et là dans des phases accessoires de nos parties, il n'a guère plus le vent en poupe. 

   Pourtant, et je m'en suis rendu compte avec ce Bricks Breaker Puzzle (BBP), les avancées technologiques, et nommément l'écran tactile, couvent d'une belle évidence ce type de jeu. Il est facile d'orienter la bille comme nous le désirons, il y a une grande réactivité à nos gestes ; et l'écran du téléphone, naturellement orienté verticalement, permet à l'aire de jeu de s'étendre confortablement. En un mot, après une longue parenthèse, voilà revenir un grand-père rajeuni, trempé de l'eau de jouvence des nuages contemporains.

   Cependant, et à côté de ça, le jeu demeure un représentant malgré lui, peut-être, des plus mauvais aspects des jeux mobiles auxquels même un éditeur comme Nintendo finit par succomber, signe néanmoins de leur potentiel. La difficulté est comme toute en dents de scie, des niveaux avancés se finissant à la chaîne avant que l'un d'entre eux, particulièrement retors, vous bloque éternellement et vous amène à chèrement acheter quelques bonus facilitant la progression. Le renouvellement est, pour ainsi dire, inexistant, les stages ressemblant aux stages et ne faisant pas même l'effort de dessiner quelques formes abstraites comme concrètes ; il n'y a que peu de blocs spéciaux, et leur placement est souvent erratique, voire absurde.

   En fait, le parcours du jeu semble être comme une ode entière à la chance : chance lors de notre réussite, puisqu'il suffit parfois d'un changement infinitésimal d'angle pour décider, dès les premiers temps d'un niveau par ailleurs, notre réussite ou notre échec ; mais chance également du côté des développeurs qui semblent avoir délégué, du moins c'est l'impression que cela donne, la construction même des niveaux à un ordinateur sans se soucier ni de rythme, ni de progression, ni d'intelligence.

   Et pourtant, pourtant ; malgré ces très, trop lourds défauts, je ne parviens pas à me détacher ces jours-ci de cette œuvre. Certes, le fait que ce jeu soit constamment avec moi, puisque je ne sais me libérer de mon monolithe noir, facilite son accès ; et sa simplicité, son  aspect rudimentaire même, me permet de m'y distraire une ou deux minutes seulement, le temps d'un trajet de tram ou de métro. Mais réduire mon attrait pour BBP a de simples contingences, à des adventices quelconques, soulagerait certes ma conscience, mais serait trop éloigné de la vérité pour me plaire.

   Cette vérité, sans doute, c'est que j'aime le jeu vidéo, intensément, uniment, et que cette passion peut se matérialiser ci et là, par accident, même dans des lieux incongrus pour moi, tout du moins. Comme jadis je dédaignais les films d'horreur, par exemple, j'ai souvent pris de haut, orgueilleusement, ce qui pouvait se faire sur smartphone : quel idiot ai-je pu être. Il y a pourtant des trésors partout, et ils ne sont pas toujours d'or et d'émeraude.

 

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