Le P'tit bal du samedi soir (1981, Renaud)

Publié le par GouxMathieu

   Après l'avoir assez boudé, pour diverses raisons, je reviens à Renaud. De toute sa discographie, Le P'tit bal... m'a toujours interpellé, et je lui dois certaines de mes amours musicales.

 

 

   C'était à l'époque où je remontais, monomaniaquement, dans les anciens albums du chanteur énervant. Je l'avais connu, petit, grâce à mon frère, mais c'est surtout la seconde partie de sa carrière d'alors que j'écoutais. Méthodiquement, de disquaire en disquaire, je rachetais à vil prix ses anciennes créations, et je rencontrais ses premiers textes. Et puis, il y a Le P'tit bal.

   Il s'agit d'une compilation de chansons de la fin du 19e et du début du 20e, des reprises comme il le refera bien plus tard qui avec Brassens, qui avec les chansons picardes. On trouve là du Bruant, du Fréhel, du Dumont, du Montéhus ; des noms qui ne me disaient rien alors, que j'ai explorés depuis, avec plaisir.

   Il y avait, cependant, comme un double décalage dans ces chansons pour moi, temporel comme spatial. Temporel, on le comprend aisément : c'était le début des années 2000, et j'écoutais un album enregistré vingt ans plus tôt, avant ma naissance même, qui reprenait des chansons, pour certaines, bientôt centenaires. Cette distance-là, cependant, me dérangeait peu, comme il y avait — il y a — dans ces chansons une universalité qui parle toujours.

   La distance spatiale, en revanche, était pour moi sourde. J'habitais dans le Midi, alors : et ces accents et cet argot parisien, avec ce double écran de Renaud qui avait déjà un timbre capital et qui forçait le trait pour imiter les Titis d'alors, me rendaient parfois la compréhension de certaines chansons difficile, c'était comme entendre une langue étrangère.

   Il y a, aujourd'hui plus qu'alors, une nostalgie vivante de ces chansons, de ce qu'elles représentaient, de ce qu'elles représentent. À un siècle d'intervalle, il y a des luttes qui se font écho, il y a des amours anarchistes qui reviennent, il y a des Communes que l'on regrette ou que l'on appelle de ses vœux. Les rebelles se parlent, même si loin sur le fleuve du temps : l'eau porte bien les sons.

   Il y a toujours ce danger, quand on regarde derrière soi, de placer le passé sur un piédestal et de ne plus le toucher, de faire comme si tout était parfait. Ce qu'il y a de bien avec ce passé-là, c'est qu'il est rempli de défaites, et de et si : les Communes sont brûlées, les drapeaux noirs disparaissent, il y a une autre histoire. Tant mieux peut-être : ces chansons ne deviennent pas des hymnes, ce sont des marches ; et on les écoute en bandes en battant le pavé, et non pas assis, confortables, sur un fauteuil noir ou rouge.

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