The Legend of Zelda: Majora's Mask (2000, Nintendo)

Publié le par GouxMathieu

   Sans être particulièrement original, je donne souvent The Legend of Zelda lorsque l'on me demanda ma série de jeux favorite, et plus particulièrement A Link to the Past, évoqué il y a bien, bien longtemps ici, comme jeu favori. Je ne voulais en parler davantage ici, d'abord parce que je l'eus fait sur Grospixels jadis, ensuite parce que je n'avais rien de neuf à écrire.

 

   Et puis, il me souvint que dans ce dossier pour Grospixels, je n'avais pas écrit sur Majora's Mask, épisode atypique souvent flatté pour son côté païen, mais envers lequel j'ai toujours eu des sentiments contradictoires. Par hasard, je réécoutais des pistes issues du jeu, et notamment la mélodie nous accompagnant lors du dernier temple du jeu, la "Tour de pierre" et dont j'avais, là encore, parlé en évoquant le travail de Koji Kondo. Brutalement, cet épisode de la saga trentenaire revint à moi, et une mélancolie profonde m'envahit.

   Si je devais résumer effectivement ce jeu, cavalièrement sans doute mais justement, je dirais quelque chose comme "il pue la mort". Ce n'est pas seulement une sensation délétère, comme dans Limbo, de la solitude, comme dans Metroid, ou du désespoir, comme dans The Beginner's Guide ; c'est la mort, dans toute sa laideur, dans toute sa puanteur, dans toute sa révulsion. Il n'y a rien de grand ici : il n'y a qu'une longue plainte, un long râle qui finit en miaulement, entre la douleur et l'injustice ; la lourdeur de l'humidité qui s'abat finalement sur les chairs. En un mot, il y a de l'humain dans ce jeu.

   Il y a des jeux qui sont comme organiques, dans leurs textures, leur gameplay, leurs miracles : Ristar volontiers tombe dans cette catégorie, dans la façon qu'il a de complexifier une idée première de gameplay. Majora's Mask, quoi que reprenant beaucoup d'Ocarina of Time, est de la même farine, mais il en devient, par son propos mortuaire, dés-organique, presque dés-organisé, dans le sens premier du terme. Certes, il le dissimule par son agenda, par sa construction temporelle stricte, ces trois jours menant à l'apocalypse et que nous revivons constamment, avec de menues différences cependant. Il y a comme une déconstruction moderniste, l'inclusion d'un paramètre pour immédiatement ensuite l'ignorer.

   Pour quelqu'un d'assez jeune - tout au plus étais-je adolescent lors de la traversée du jeu -, la chose fut on ne peut plus déconcertante. Tout avait l'apparence du classique, il avait des accents de la tragédie légère que je connaissais d'ailleurs, il était coloré et sympathique. Pourtant, lentement, tranquillement, il distillait son venin. On parlait davantage de la perte, sans possibilité de retour ; la musique était plus sombre que d'ordinaire ; les ennemis se contorsionnaient dans une douleur déplaisante en mourant, et disparaissaient piteusement.

   Il n'est pas Silent Hill cependant, il n'est pas de ce calibre et une partie de cette interprétation est sans doute plus empirique que programmée, plus accidentelle qu'évidente : mais elle existe néanmoins, et elle est énorme dans son impromptu. L'on ne peut l'ignorer une fois aperçue : comme cette cicatrice qu'ont certaines personnes sur le coin de l'oreille, ou près de la bouche, qui ne les dérange en rien et qui ne les enlaidit point, mais que l'on ne peut plus obscurcir une fois découverte.

   On a dit beaucoup de choses sur Majora's Mask ces dernières années. Le jeu, jadis peu considéré ou, du moins, considéré comme une suite élégante, à défaut d'être magistrale, à Ocarina of Time, a connu une notoriété nouvelle par l'intermédiaire de critiques qui, pour une fois, firent leur travail de révélation, toute tardive fût-elle. On en a même tant dit, qu'à présent, le sujet est perdu, c'est une tarte à la crème, un marronnier. Mais malgré toutes les analyses, toutes les études, tous les détails et toutes les théories, il reste à mes yeux une vérité : "ce jeu pue la mort". Le croira-t-on : c'est un joli compliment que je fais là.

 

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