Babymetal (2010 - en cours, Suzuka Nakamoto et al.)

Publié le par GouxMathieu

   Des quelques billets que j'ai pu produire sur ce blog, on ne sera guère étonné d'apprendre que la culture japonaise -- les cultures japonaises serait plus juste -- m'intéresse beaucoup. Les mangas et les animes, le cinéma, mais la musique également. Je suis loin d'être savant ici, j'ai encore beaucoup à écouter : et récemment, l'on m'aura fait découvrir ce groupe de rock'n roll d'un genre nouveau, qui ne cesse de me fasciner.

 

   Lorsque l'on est quelque peu plongé dans les univers dits "geek", et notamment le jeu vidéo, l'on a une image toute spécifique de la musique japonaise, principalement la "J-Pop". Les amateurs, au détour d'une procrastination sur Internet, rencontrent régulièrement ces clips musicaux délurés, où des chanteuses à l'apparence adolescente dansent et chantent dans des univers de paillettes colorées et évoquent les sucreries, les animaux mignons de la ferme et autres légèretés culturelles aussi sucrées qu'un loukoum. On cherche les plus absurdes, les plus étranges, barrière civilisationnelle aidant : mais on oublie alors, chemin faisant, tout le reste.

   Le rock japonais, le métal notamment, n'est pas des plus obscurs ; du moins, il est davantage connu que leur jazz ou leur chant tyrolien. On évoquera alors des noms comme X-Japan ou hide, qui manquèrent de faire une carrière internationale méritée tant leur talent n'est pas à négliger. La chose ne se sera pas faite, pour telle et telle raison : c'est alors heureux que Babymetal grandisse et qu'il se donne à présent sur les scènes étasuniennes et européennes, et que des artistes comme Rob Zombie ne tarissent point d'éloge à leur propos.

   Faute de mieux, des critiques soucieuses de catégories solides les rangent sous l'étiquette de "Kawaii metal", dont elles seraient les fondatrices. On retrouve là effectivement les caractéristiques que je donnais à l'instant : des tenues d'écolières, des chansons parlant de chocolat, des mignardises de l'existence tranquille, d'autre chose encore. Les premières notes, ou les refrains, semblent renvoyer à cette imaginaire entêtant qui fait encore les grandes heures des amateurs de pérégrinisme.

   Mais rapidement, le rythme s'accélère ; les guitares déchirent les tympans ; la batterie détruit le peu d'air calme qui la séparait de nos corps ébahis, et nous sommes bientôt pris dans un maelstrom, une noria qui a tantôt des accents lointains de Dio, plutôt des symphonies endiablées d'Iron Maiden ou de Judas Priest. La voix ne rivalise guère ici, l'enlevé ne cède jamais au guttural mais reste aérien, aussi céleste que d'autres se font telluriques : mais on se souviendra alors que le rock'n roll est avant tout un art de vivre, et qu'il n'est guère besoin de sombrer dans les graves pour produire une musique aiguë comme une épée.

   On retrouve alors l'iconographie bien connue des adeptes des sciences musicales noires, les squelettes grimaçants d'Alice Cooper, des renards malsains, des dieux païens envahissant toute la scène sous un mur de son et de flammes rouges, noires et bleues. C'est une ambiance d'apocalypse, le Ragnarök que nous promettaient les runes éternelles : et au milieu des décombres chantent et jouent trois rockeuses habitées d'une fougue inédite.

   Les grands écarts ont toujours été ma passion, on le sait : j'aime à voir la dartre sur un visage harmonieux, le détail qui fait faux, les ficelles que Polichinelle garde cachées dans ses manches. La puissance de Babymetal est de cet ordre : reprendre des codes innocents, inoffensifs même, et les transposer dans un déluge de sang et de mort en vantant les bienfaits du chocolat sur notre santé mentale. C'est une catastrophe arc-en-ciel, le strass funèbre des imbéciles qui n'ont jamais lu les prophéties : c'est le rock'n roll, enfin, dans tout ce qu'il a de plus sincère.

 

Commenter cet article