Léonard (1974 - en cours, de Groot & Turk)

Publié le par GouxMathieu

   Des bandes dessinées associées à mon enfance, Léonard est sans doute l'une de celle que je retiens le plus. Je l'avais découvert par accident, en grande surface, dans les rayons consacrés ; le dessin rond me fit saisir un album ; j'aimais les personnages et le principe, absolument.

 

 

   Comme j'eus à le dire plus d'une fois, j'ai davantage été un lecteur de Spirou et moins de Tintin, autant pour leurs aventures que pour leurs magazines. Il est, partant, toute une famille d'auteurs et d'autrices que je n'ai jamais connues, ou alors bien plus tard, et dans d'autres circonstances : et Léonard a beau émaner de Robin du Bois, je connaissais la première série, et non la suivante ; le dessinateur et le scénariste n'habitaient pas encore dans mes étagères, ou alors sporadiquement, par exemple chez Lucky Luke pour l'un, hasardement dans le magazine Spirou pour l'autre, mais rien de plus.

   Je naviguais cependant en terrain connu : Léonard est de l'école "gros-nez", que j'aime tant depuis Astérix et que Dupuis, précisément, mettait en scène semaine après semaine. Le style est rond, les aplats de couleurs francs, le gaufrier régulier. Les histoires, à quelques exception près, de se résoudre en quelques planches, une ou deux généralement, guère plus ; il y a peu de personnages, et leurs personnalités rebondissent les unes sur les autres, efficacement. Il y a Léonard, "génie intersidéral" ; Basile, disciple servant la science, surtout pour le pire ; Mathurine la bonne à tout faire ; et rien de plus. C'est une farce classique, une comédie aux ressorts bien ficelés ; c'est du Molière, si Molière avait fait du feuilleton comique.

   Il me faut préciser cependant que j'arrêtai ma lecture il y a plusieurs années à présent, une quinzaine d'albums sont sortis depuis ; j'ai vu qu'apparemment, la distribution s'augmentait, mais je doute que la série ait fondamentalement changé. Après tout, j'ai vécu les réinventions de Raoul et Bernadette, le chat et la souris, du crâne Yorrick, j'ai vécu, à retardement certes, l'apparition de Mathurine, qui prit de plus en plus d'ampleur au fur et à mesure du temps. Cette stabilité, y compris au niveau du style d'ailleurs qui rapidement se fixa sur l'efficacité et la clarté même, même, peut décevoir ; mais elle m'a longtemps rassuré.

   On entre dans Léonard comme chez soi, on reconnaît rapidement les meubles, les amies et les copains. Léonard a une idée géniale ; le disciple est appelé pour la tester ou la fabriquer, et se fait bien mal ce faisant ; la chute arrive prochainement et à défaut d'être hilarante, elle est d'une rigueur redoutable. C'est une chose d'être extraordinaire, mais cela peut fatiguer ; mais être constant et mécanique, horloger, c'est un talent appréciable - je repense à Raoul Cauvin ici - et que j'ai toujours cherché, même en enfance.

   Qu'on ne s'y trompe cependant : je parlais des Profs la dernière fois, et j'en déplorais la jointure imparfaite, les pics et les creux irréguliers. On ne retrouve rien de cela ici : Léonard est certes rarement sublime - quoique parfois, il frappe comme un éclair dans la plaine gelée, ou comme un tromblon sur le crâne chauve du disciple -, mais il n'est jamais médiocre. Il reste, flottant, dans une moyenne satisfaisante, dans un "bien" que l'on peine, cependant, à transformer en "mieux". Car rien ici ne mériterait franchement une réécriture, les germes ne sont pas là : la plante a poussé, et elle est plaisante sans être particulièrement odorante ou chatoyante.

   Elle habille bien le jardin cependant, elle est agréable : ainsi en va-t-il de Léonard, que je relis régulièrement, une histoire par ci, par là, en anticipant les blagues connues, en me remémorant tranquillement les oubliées. La nostalgie joue beaucoup ici ; mais je suis heureux de savoir que la série se poursuit, et que d'autres, peut-être, tombent sous le charme de sa régularité. Il est agréable, aujourd'hui plus que jamais, de revenir vers les douceurs enfantines, et de s'assurer, où qu'on regarde, de la simplicité qui ne déçoit jamais.

 

Commenter cet article