Kid Paddle (1994 - en cours, Midam)

Publié le par GouxMathieu

   Le paysage culturel a bien changé, de mon enfance à maintenant, et la façon dont le jeu vidéo est considéré en témoigne. Quand j'étais plus jeune, et avant l'arrivée de la Playstation, voire peu après, il était vu comme un abrutissement, ou un divertissement de niche. On en parlait avec dédain ; Kid Paddle, pourtant, laissait voir autre chose.

 

  

   En 1994, j'avais huit ans, et j'étais déjà abonné au Journal de Spirou depuis quelques temps. La bande dessinée faisait partie de mes horizons culturels favoris, et j'apprenais beaucoup. Je jouais aussi beaucoup aux jeux vidéo, mais même dans les cours de récréation, l'activité était souvent vue comme mineure, débilitante, déviante voire ; j'ai souvent inquiété ma mère. Kid Paddle réunit ces deux mondes, et cela me plaisait.

   Au commencement, il s'agissait d'inclure dans les pages de l'hebdomadaire une pastille d'actualité, de parler d'un jeu récemment sorti et de l'illustrer avec humour. Je me souviens, encore, des histoires sur Alone in the Dark ou Goblins 3, les appels désespérés aux "hotlines" en des temps prédatant l'internet, les cheat codes, accompagnées de quelques paragraphes de "test" ou de revue.

   Puis, progressivement, les histoires s'émancipèrent de l'actualité. Les références devinrent plus diffuses, l'univers propre à la série, les parents, l'école, les copains, la salle d'arcade, se solidifia ; aujourd'hui, on parle sans doute moins de jeux vidéo précisément que d'un esprit, d'un rapport à la technologie, d'un sentiment. Le spin-off qui naquit de la série se concentre sur un univers générique qui ressemble à un jeu vidéo, mais qui n'en est absolument pas un : l'intérêt est ailleurs.

   Je suis bien moins fan, il faut le dire, des récentes façons : je m'en suis déporté. J'avais commencé à lire, et j'aimais Kid Paddle, pour son tissage serré de deux univers culturels que j'aimais absolument, d'une façon toute nouvelle il me semble. On parlait certes parfois de jeu vidéo dans la bande dessinée, mais toujours génériquement, jamais précisément : Kid Paddle corrigeait ça, mais s'en éloigna finalement, sans doute pour gagner une notoriété nouvelle. Je ne le blâme pas.

   Je ne pense pas que Kid Paddle soit, dans l'absolu, un chef d'œuvre. Tout au plus est-il moyen, voire médiocre par endroit. Le style est très particulier, il ne m'a jamais dérangé mais pour être franc, il m'était très plaisant quand j'étais petit : je l'ai souvent imité dans mes cahiers d'écolier. Les intrigues sont simples, les chutes sont attendues, je rigole rarement en les relisant. Plutôt, c'est la connexion nostalgique qui me plaît, car je me revois découvrir ces histoires pour la première fois.

   C'est encore pour cela que je reviens à Kid Paddle. Je me souviens. Je partage l'incongruité d'utiliser une biscotte sur un casque, puis l'émietter avec un club de golf. Je revois les appels désespérés aux numéros surtaxés pour savoir comment progresser dans un jeu, ou vaincre un boss. Je me rappelle que les graphismes en trois dimensions d'Alone in the Dark, ou de Another World, étaient l'avenir. Malgré tout, malgré les âges, c'est encore le cas pour moi : le futur, c'était mieux avant.

 

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