Pièce montée des grands jours (2003, Thomas Fersen)

Publié le par GouxMathieu

   Parfois, les souvenirs filants s'associent et convergent vers une seule et même idée. Récemment, je repensais à Marie Trintignant ; puis à une ancienne petite amie, avec laquelle j'écoutais souvent l'artiste ; à d'autres choses encore. Et tout cela me donna envie de parler, rapidement, de Thomas Fersen, et de cet album.

 

   Le monde de la chanson française, et de la chanson dite "à texte", m'a toujours paru étrange. Il y a les grands noms d'antan, auxquels on revient encore, encore et encore ; il y a les succès contemporains, qui brillent comme des étoiles filantes, dont on parle beaucoup et qui finissent par disparaître ; et puis, il y a les artistes, comme celui-ci ou d'autres, qui vont et viennent, qui sur les ondes, qui dans les conversations, qui sont connus des connaisseurs, si je puis dire, mais qui ne semblent pas avoir la reconnaissance que leur talent devrait leur prêter.

   Car du talent, Thomas Fersen en a vraisemblablement. Sa voix fatiguée, presque muette dans l'effort, traverse de beauté la moindre des phrases ; sa nonchalance est celle d'un Bougrelon, désespérée dans ses excès mais ridicule dans sa passion ; son humour est partout, sa vérité inconséquente, sa tranquillité entre le surfait et le naturel. C'est une sorte "d'élégance à la française", qui ne se confond ni avec la veulerie, ni avec l'insistance, ni avec le déplacé ; plutôt une sorte de noblesse désincarnée que les révolutions n'ont jamais su parfaitement abattre.

   Si je précise cela, c'est que c'est, dans mon univers musical néanmoins, une exception. Les autres chanteurs que j'ai pu évoquer se caractérisaient certes par une jolie plume, chacune propre à leur style, mais le département vocal quant à lui, était sans doute décevant. On ne venait pas à eux pour cela, c'est vrai ; mais parfois, la corde tirée trop fort se brisait et brisait l'illusion poétique, surtout, de notre écoute. De mémoire, je n'ai point ressenti ça lors d'un parcours de Thomas Fersen, et notamment de cet album que parmi tous, j'ai choisi pour son intelligence.

   "Saint-Jean-du-Doigt" est ainsi légère, mais sa construction me renvoie aux rondeaux médiévaux que j'aime tant ; "Croque" est une sorte de ballade mi-tendre, mi-aigre, qui mélange l'amour et la mort dans une ronde certes peu originale, mais terriblement plaisante ; enfin, la pièce donnant son titre à l'album, "Pièce montée des grands jours", en duo avec une Marie Trintignant que je regrette d'avoir encore à regretter, fait sans doute partie des plus belles chansons que je puis connaître. Je l'offre alors ici, en espérant que ces voix entremêlées sauront vous inspirer en ce dimanche de février.

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